« A mort, à mort! Crucifie-le! » Ces mots retentissent en ce Vendredi Saint avec violence. Et je ne peux m’empêcher de penser à la Vierge Marie entendant la condamnation de son fils. Comme il a du être dur de ne pas chanceler au milieu de la tempête qui se déchaîne. Les mots du vieillard Siméon prononcé trente trois ans plutôt ont du rejaillir de la mémoire de cette mère douloureuse avec brutalité: « Vois ! cet enfant doit amener la chute et le relèvement d’un grand nombre en Israël ; il doit être un signe en butte à la contradiction – et toi-même, une épée te transpercera l’âme ! – afin que se révèlent les pensées intimes de bien des cœurs. » (Luc 2,34-35)
Oui, comment ne pas penser à la douleur de cette mère devant la trahison d’un des disciples du Christ, le vendant pour quelques deniers? Marie, mère des Apôtres, reine des Apôtres, voit l’un de ceux-ci trahir ignoblement l’innocent: le Fils de Dieu. Marie, mère des hommes, voit son Fils condamner à mort par le péché des hommes. Comment ne pas être bouleversés au plus profond de notre humanité par l’acte ignoble de ce traitre?
Comment ne pas penser à la douleur de cette mère alors que la foule se déchaine, menée par quelques hurluberlus excités par la jalousie, se trouvant pris par leur propre remise en cause face aux paroles et aux actes du Christ? Comment ne pas être pris par cette douleur en entendant la foule préférer la libération de Barabbas, un bandit… autrement dit: le fils du père (du mensonge?). Les ténèbres valent-elles mieux que la lumière, que la vérité?
Comment ne pas penser à la douleur de cette mère devant son fils en croix. Comment ne pas s’émerveiller avec cette mère alors que son fils ne cesse, au plus fort de sa douleur, d’intercéder pour l’humanité: « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » (Luc 24,34)
Marie, mater dolorosa, mère douloureuse… et pourtant Marie mère de l’espérance, confiante en la Parole et l’Amour de Dieu, attendant la réalisation de la promesse du Père: le pardon plus fort que le péché, la vie plus forte que la mort.
En ce Vendredi Saint, moi-aussi, je suis douloureux avec Marie, m’interrogeant sur le sens de ces évènements et espérant la réponse de Dieu…
Moi aussi, en ce Vendredi Saint, il me semble vivre plus intensément la passion du Christ: la trahison par l’un des miens de l’innocent, du petit, du plus faible, donc du Christ lui-même mis à mort.
Moi aussi, en ce Vendredi Saint, il me semble vivre plus intensément la passion du Christ, hué, condamné et mis à mort par la foule lui préférant voir libre un bandit.
Moi aussi, en ce Vendredi Saint, il me semble être sur la croix avec le Christ, criant vers Dieu: « J’ai soif » mais aussi essayant d’implorer la miséricorde divine pour tous ces crimes et condamnations… « Père,pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. »
En ce Vendredi Saint, je prends conscience, que baptisé, je suis, avec toute l’Église, le corps du Christ et qu’avant d’être dans la gloire de la Résurrection, il me faut passer par la trahison, par la crucifixion, par le silence du tombeau.
Crucifié mais non désespéré, alors que le rideau du Temple semble se déchiré, avec toute l’ Église, je mets ma confiance en Dieu seul… il fera jaillir la lumière nouvelle. Il fera jaillir une vie nouvelle au matin de Pâques.
Père, je m’abandonne à toi. Entre tes mains, je remets mon esprit.Amen.