Avec un coeur de père

Avec un coeur de père

Ce samedi 3 juillet 2021 a eu lieu le 6ème pèlerinage des hommes, époux et pères de la Somme. Nous avons marché d’Amiens à Corbie en méditant sur la figure de Saint Joseph telle que nous la présente le Pape François dans sa lettre “Patris Corde”. Retrouvez ici les enseignements et quelques photos.

Patris Corde

Pour lire la lettre du Pape François sur Saint Joseph

A l’occasion du 150ème anniversaire de la déclaration de saint Joseph comme patron de l’Église universelle, le pape François a écrit une magnifique lettre sur saint Joseph : Patris Corde. En français : Avec un cœur de père.

Dans cette lettre, le pape nous propose comme un « Évangile de la paternité selon saint Joseph ». A la lumière de saint Joseph, il nous invite à accueillir la bonne nouvelle qu’est la paternité dans un monde où cette dernière est mise à mal par un déni fait aux hommes de pouvoir être père mais aussi mis à mal par des pères eux-mêmes qui la pervertisse par des abus en tout genre. Chacun de nous le sait : nous vivons notre paternité, charnelle ou spirituelle, avec ce que nous sommes, avec nos forces et nos faiblesses, avec nos richesses et nos pauvretés, mais aussi à partir de notre propre histoire. Nous ne naissons pas père mais nous le devenons.

Le pape François nous présente saint Joseph comme l’homme de la « deuxième ligne » : « Nous pouvons tous trouver en saint Joseph l’homme qui passe inaperçu, l’homme de la présence quotidienne, discrète et cachée, un intercesseur, un soutien et un guide dans les moments de difficultés. Saint Joseph nous rappelle que tous ceux qui, apparemment, sont cachés ou « en deuxième ligne » jouent un rôle inégalé dans l’histoire du Salut. »

Cet Évangile de la paternité, le pape le décline en sept points : un père aimé, un père dans la tendresse, un père dans l’obéissance, un père dans l’accueil, un père au courage créatif, un père travailleur, un père dans l’ombre.

Ensemble, nous allons méditer et partager sur quatre des sept notes par lesquelles le pape François décrit la paternité de Joseph, « cette figure extraordinaire, si proche de la condition humaine de chacun d’entre nous. ». Nous aborderons, ce matin la figure du père dans la tendresse et celle du père dans l’accueil. Cet après-midi, c’est la figure du père au courage créatif et du père dans l’ombre qui retiendrons notre attention.

Père dans la tendresse

Dans une société où il faut être le meilleur, le plus fort, la tendresse peut paraitre comme un signe de fragilité. La tendresse pourrait faire de nous le maillon faible… et pourtant elle peut être le remède à beaucoup de maux qui affectent la paternité.

Saint Joseph a vu grandir Jésus « en sagesse, en taille et en grâce, devant Dieu et devant les hommes » écrit saint Luc (Lc 2,52). Imprégné de l’Écriture, Joseph peut dire, à la suite de Dieu parlant du peuple d’Israël : « C’est moi qui lui apprenais à marcher, en le soutenant de mes bras (…). Je le guidais avec humanité, par des liens d’amour ; je le traitais comme un nourrisson qu’on soulève tout contre sa joue ; je me penchais vers lui pour le faire manger. » (Osée 11,3-4)

Lors de la prière des psaumes à la synagogue, Joseph a entendu parler de la tendresse de Dieu. Nous pouvons ainsi citer le psaume 68,17 : « Réponds-moi, Seigneur, car il est bon, ton amour ; dans ta grande tendresse, regarde-moi. » ; le psaume 77,38 : « Et lui, miséricordieux, au lieu de détruire, il pardonnait ; maintes fois, il retint sa colère au lieu de réveiller sa violence. » ; le psaume 85,5 : « Toi qui es bon et qui pardonnes, plein d’amour pour tous ceux qui t’appellent… » ; le psaume 110,4 : « De ses merveilles il a laissé un mémorial ; le Seigneur est tendresse et pitié. » ou encore le psaume 114,5 : « Le Seigneur est justice et pitié, notre Dieu est tendresse. ». Il a aussi entendu les paroles du prophète Jérémie : « Éphraïm n’est-il pas pour moi un fils précieux, n’est-il pas un enfant de délices, puisque son souvenir ne me quitte plus chaque fois que j’ai parlé de lui ? Voilà pourquoi, à cause de lui, mes entrailles frémissent ; oui, je lui ferai miséricorde – oracle du Seigneur. » (Jr 31,20).

Nous pourrions encore citer longuement la Parole de Dieu pour illustrer la tendresse paternelle de Dieu à notre égard et y trouver l’exemple pour y vivre la nôtre, à la suite de saint Joseph.

C’est en voyant vivre et agir Joseph que Jésus a découvert la tendresse de Dieu et qu’il a pu dire, avec le psalmiste : « comme la tendresse du père pour ses fils, la tendresse du Seigneur pour qui le craint ! »(Psaume 102,13)

Contempler la tendresse paternelle de Joseph, c’est découvrir la tendresse de Dieu et renoncer à une paternité violente ou sans proximité. C’est marcher avec son enfant sans exiger de lui qu’il soit un super héros en renonçant à l’accuser pour ses faiblesses. Contempler saint Joseph, c’est « croire en la force révolutionnaire de la tendresse et de l’affection. » (Evangelii Gaudium, 288) « L’humilité et la tendresse ne sont pas la vertu des faibles, mais des forts, qui n’ont pas besoin de maltraiter les autres pour se sentir importants. » (Ibid.)

 « L’histoire du Salut s’accomplit en « espérant contre toute espérance », à travers nos faiblesses. Nous pensons trop souvent que Dieu ne s’appuie que sur notre côté bon et gagnant, alors qu’en réalité la plus grande partie de ses desseins se réalise à travers et en dépit de notre faiblesse. » (François, Patris Corde). C’est le Malin qui nous pousse à regarder notre fragilité avec un jugement négatif. L’Esprit Saint, au contraire, la met en lumière avec tendresse. C’est pourquoi nous devons apprendre à accueillir notre faiblesse avec une profonde tendresse. Pour cela, le pape François nous invite à faire l’expérience de la miséricorde de Dieu notamment à travers le sacrement de la réconciliation. « C’est pourquoi, écrit le pape, il est important de rencontrer la Miséricorde de Dieu, notamment dans le Sacrement de la Réconciliation, en faisant une expérience de vérité et de tendresse. Paradoxalement, le Malin aussi peut nous dire la vérité. Mais s’il le fait, c’est pour nous condamner. Nous savons cependant que la Vérité qui vient de Dieu ne nous condamne pas, mais qu’elle nous accueille, nous embrasse, nous soutient, nous pardonne. La Vérité se présente toujours à nous comme le Père miséricordieux de la parabole (cf. Lc 15, 11-32) : elle vient à notre rencontre, nous redonne la dignité, nous remet debout, fait la fête pour nous parce que « mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé » (v. 24). » (Patris Corde)

A l’école de saint Joseph, c’est découvrir « qu’avoir foi en Dieu comprend également le fait de croire qu’il peut agir à travers nos peurs, nos fragilités, notre faiblesse. Et il nous enseigne que, dans les tempêtes de la vie, nous ne devons pas craindre de laisser à Dieu le gouvernail de notre bateau. Parfois, nous voudrions tout contrôler, mais lui regarde toujours plus loin. » (Ibid.)

Père dans l’accueil

En méditant maintenant sur la manière dont Joseph est père dans l’accueil, nous allons continuer à éclairer le point précédent sur la tendresse. Dans cette partie, je vais citer abondamment le quatrième point de la lettre du pape.

« Joseph accueille Marie sans fixer de conditions préalables. Il se fie aux paroles de l’Ange. « La noblesse de son cœur lui fait subordonner à la charité ce qu’il a appris de la loi. Et aujourd’hui, en ce monde où la violence psychologique, verbale et physique envers la femme est patente, Joseph se présente comme une figure d’homme respectueux, délicat qui, sans même avoir l’information complète, opte pour la renommée, la dignité et la vie de Marie. Et, dans son doute sur la meilleure façon de procéder, Dieu l’aide à choisir en éclairant son jugement ».

Bien des fois, des évènements dont nous ne comprenons pas la signification surviennent dans notre vie. Notre première réaction est très souvent celle de la déception et de la révolte. Joseph laisse de côté ses raisonnements pour faire place à ce qui arrive et, aussi mystérieux que cela puisse paraître à ses yeux, il l’accueille, en assume la responsabilité et se réconcilie avec sa propre histoire. Si nous ne nous réconcilions pas avec notre histoire, nous ne réussirons pas à faire le pas suivant parce que nous resterons toujours otages de nos attentes et des déceptions qui en découlent.

La vie spirituelle que Joseph nous montre n’est pas un chemin qui explique, mais un chemin qui accueille. C’est seulement à partir de cet accueil, de cette réconciliation, qu’on peut aussi entrevoir une histoire plus grande, un sens plus profond. Semblent résonner les ardentes paroles de Job qui, à l’invitation de sa femme à se révolter pour tout le mal qui lui arrive, répond : « Si nous accueillons le bonheur comme venant de Dieu, comment ne pas accueillir de même le malheur » (Jb 2, 10).

Joseph n’est pas un homme passivement résigné. Il est fortement et courageusement engagé. L’accueil est un moyen par lequel le don de force qui nous vient du Saint Esprit se manifeste dans notre vie. Seul le Seigneur peut nous donner la force d’accueillir la vie telle qu’elle est, de faire aussi place à cette partie contradictoire, inattendue, décevante de l’existence.

La venue de Jésus parmi nous est un don du Père pour que chacun se réconcilie avec la chair de sa propre histoire, même quand il ne la comprend pas complètement. »

Dans ces paroles du pape nous voyons que l’accueil des évènements par Joseph n’est pas une passivité. Il s’agit au contraire d’affronter les évènements qui arrivent en en assumant personnellement la responsabilité. La foi donne sens à ces évènements et nous apprend à les accueillir en regardant la réalité en face.

Cette attitude d’accueil de Joseph est aussi un exemple dans l’accueil de l’autre. « L’accueil de Joseph nous invite à accueillir les autres sans exclusion, tels qu’ils sont, avec une prédilection pour les faibles parce que Dieu choisit ce qui est faible (cf. 1 Co 1, 27). Il est « père des orphelins, justicier des veuves » (Ps 68, 6) et il commande d’aimer l’étranger.[20] Je veux imaginer que, pour la parabole du fils prodigue et du père miséricordieux, Jésus se soit inspiré des comportements de Joseph (cf. Lc 15, 11-32). » termine le pape François.

Père au courage créatif

Face aux évènements qu’il traverse, tout en les accueillant, Joseph pourrait demeurer dans la passivité. Il n’en est pas ainsi. Joseph ne s’arrête pas devant la difficulté. Il est acteur de sa vie !

« Si la première étape de toute vraie guérison intérieure, écrit le pape, consiste à accueillir sa propre histoire, c’est-à-dire à faire de la place en nous-mêmes y compris à ce que nous n’avons pas choisi dans notre vie, il faut cependant ajouter une autre caractéristique importante : le courage créatif, surtout quand on rencontre des difficultés. En effet, devant une difficulté on peut s’arrêter et abandonner la partie, ou bien on peut se donner de la peine. Ce sont parfois les difficultés qui tirent de nous des ressources que nous ne pensons même pas avoir. »

Quand nous relisons les évènements de la vie de saint Joseph, notamment dans les « Évangiles de l’enfance », nous pouvons nous demander pourquoi n’est pas intervenu directement et qu’il semble laisser Joseph se débrouiller. Mais « Joseph est l’homme par qui Dieu prend soin des commencements de l’histoire de la rédemption. Il est le vrai “miracle” par lequel Dieu sauve l’Enfant et sa mère. Le Ciel intervient en faisant confiance au courage créatif de cet homme qui, arrivant à Bethléem et ne trouvant pas un logement où Marie pourra accoucher, aménage une étable et l’arrange afin qu’elle devienne, autant que possible, un lieu accueillant pour le Fils de Dieu qui vient au monde (cf. Lc 2, 6-7). Devant le danger imminent d’Hérode qui veut tuer l’Enfant, Joseph est alerté, une fois encore en rêve, pour le défendre, et il organise la fuite en Égypte au cœur de la nuit (cf. Mt 2, 13-14).

Une lecture superficielle de ces récits donne toujours l’impression que le monde est à la merci des forts et des puissants. Mais la “bonne nouvelle” de l’Évangile est de montrer comment, malgré l’arrogance et la violence des dominateurs terrestres, Dieu trouve toujours un moyen pour réaliser son plan de salut. Même notre vie semble parfois à la merci des pouvoirs forts. Mais l’Évangile nous dit que, ce qui compte, Dieu réussit toujours à le sauver à condition que nous ayons le courage créatif du charpentier de Nazareth qui sait transformer un problème en opportunité, faisant toujours confiance à la Providence.

Si quelquefois Dieu semble ne pas nous aider, cela ne signifie pas qu’il nous a abandonnés, mais qu’il nous fait confiance, qu’il fait confiance en ce que nous pouvons projeter, inventer, trouver. »

Et nous pourrions trouver, dans l’Écriture, bien d’autres passages où ce courage créatif est présent. Ce courage créatif est présent au cœur des évènements auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui encore. Pour illustrer cela, le pape va prendre l’exemple de la fuite en Égypte : « L’Évangile ne donne pas d’informations concernant le temps pendant lequel Marie, Joseph et l’Enfant restèrent en Égypte. Cependant, ils auront certainement dû manger, trouver une maison, un travail. Il ne faut pas beaucoup d’imagination pour remplir le silence de l’Évangile à ce propos. La sainte Famille a dû affronter des problèmes concrets comme toutes les autres familles, comme beaucoup de nos frères migrants qui encore aujourd’hui risquent leur vie, contraints par les malheurs et la faim. »

Joseph est le protagoniste de sa vie. Il ne subit pas la situation, il la fait sienne et en assume la responsabilité qui en découle. A chaque évènement où il est fait mention de lui, nous pouvons lire dans l’Évangile, que Joseph se lève, qu’il prend l’Enfant et sa mère et qu’il se met en route (Cf. Mt 1,24 ;2,14.21). C’est à Joseph que Dieu a confié ses trésors les plus précieux : « Jésus et Marie sa Mère sont, en effet, le trésor le plus précieux de notre foi. ». Le pape nous invite à nous demander si « nous défendons de toutes nos forces Jésus et Marie qui sont mystérieusement confiés à notre responsabilité, à notre soin, à notre garde. »

Père dans l’ombre

En employant cette expression « père dans l’ombre », le pape vient nous introduire à notre responsabilité éducative. Par cette expression, il ne veut pas parler d’un effacement du père mais de celui qui fait grandir, qui introduit l’enfant à l’expérience de la vie.

Voici ce qu’écrit le pape sur la paternité : « Être père signifie introduire l’enfant à l’expérience de la vie, à la réalité. Ne pas le retenir, ne pas l’emprisonner, ne pas le posséder, mais le rendre capable de choix, de liberté, de départs. C’est peut-être pourquoi, à côté du nom de père, la tradition a qualifié Joseph de “très chaste”. Ce n’est pas une indication simplement affective, mais c’est la synthèse d’une attitude qui exprime le contraire de la possession. La chasteté est le fait de se libérer de la possession dans tous les domaines de la vie. C’est seulement quand un amour est chaste qu’il est vraiment amour. L’amour qui veut posséder devient toujours à la fin dangereux, il emprisonne, étouffe, rend malheureux. Dieu lui-même a aimé l’homme d’un amour chaste, en le laissant libre même de se tromper et de se retourner contre lui. La logique de l’amour est toujours une logique de liberté, et Joseph a su aimer de manière extraordinairement libre. Il ne s’est jamais mis au centre. Il a su se décentrer, mettre au centre de sa vie Marie et Jésus. »

Et un peu plus loin, il poursuit : « La paternité qui renonce à la tentation de vivre la vie des enfants ouvre toujours tout grand des espaces à l’inédit. Chaque enfant porte toujours avec soi un mystère, un inédit qui peut être révélé seulement avec l’aide d’un père qui respecte sa liberté. Un père qui est conscient de compléter son action éducative et de vivre pleinement la paternité seulement quand il s’est rendu “inutile”, quand il voit que l’enfant est autonome et marche tout seul sur les sentiers de la vie, quand il se met dans la situation de Joseph qui a toujours su que cet Enfant n’était pas le sien mais avait été simplement confié à ses soins. Au fond, c’est ce que laisse entendre Jésus quand il dit : « N’appelez personne votre Père sur la terre : car vous n’en avez qu’un, le Père céleste » (Mt 23, 9). »

Être père dans l’ombre ce n’est donc pas être un père effacé, inexistant, ni celui qui domine ou possède. Nous sommes signe d’une paternité toute autre : nous signe de la paternité de Dieu. « Chaque fois, écrit le pape,que nous nous trouvons dans la condition d’exercer la paternité, nous devons toujours nous rappeler qu’il ne s’agit jamais d’un exercice de possession, mais d’un “signe” qui renvoie à une paternité plus haute. En un certain sens, nous sommes toujours tous dans la condition de Joseph : une ombre de l’unique Père céleste qui « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (Mt 5, 45) ; et une ombre qui suit le Fils. »

En guise de conclusion

En guise de conclusion, ne craignons pas de demander l’intercession de saint Joseph pour qu’il nous guide dans notre paternité. Et n’oublions pas : « On ne naît pas père, on le devient. Et on ne le devient pas seulement parce qu’on met au monde un enfant, mais parce qu’on prend soin de lui de manière responsable. Toutes les fois que quelqu’un assume la responsabilité de la vie d’un autre, dans un certain sens, il exerce une paternité à son égard. »

 

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