Ce quatrième dimanche de carême est appelé laetare ou dimanche de la joie. La liturgie nous invite à goûter déjà la joie de Pâques, la joie de la résurrection. La joie à laquelle nous sommes invités ne vient pas du monde ni de nous. Elle vient de la rencontre avec le Seigneur Jésus Christ. « La joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus. Ceux qui se laissent sauver par lui sont libérés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement. Avec Jésus Christ la joie naît et renaît toujours. » (Pape François, Evangelii Gaudium, n°1)
L’histoire de l’aveugle-né que nous venons d’entendre illustre bien cette source de la joie. Cet homme n’avait aucun avenir. Depuis des années, il était assis au bord de la route à demander l’aumône. Qu’est-ce qui aurait pu changer cela ? À vue humaine, rien ! Mais une rencontre avec le Christ : oui ! Jésus passe sur cette route où l’aveugle mendie. Il voit cet aveugle et il s’arrête : il voit l’homme et il s’intéresse à lui. Cette attitude n’est pas celle des disciples. En posant la question à Jésus : « Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit aveugle ? » (Jean 9,2), les disciples font de cet homme un cas « moral » dont il faut discuter. Ce qui intéresse Jésus, c’est l’homme, la personne elle-même.
Par son attitude, Jésus montre à tous l’attitude de Dieu face à ceux qui sont frappés par le mal : Jésus s’arrête, il s’approche de lui et le touche avec tendresse et attention. Il prend de la terre, en fait de la boue et la met sur les yeux de l’aveugle. C’est un geste insensé qui vient rappeler l’acte créateur de Dieu dans le livre de la Genèse : « Le Seigneur Dieu prit de la poussière du sol et en façonna un être humain » (2,7). Oui, cette main qui touche l’aveugle-né est la main même de Dieu ! En touchant pour guérir, Jésus manifeste que l’amour de Dieu n’est pas une force abstraite. Cet amour est concret, fait de gestes d’attention et de tendresse.
Ce geste est accompagné d’une Parole de Jésus : « Va te laver à la piscine de Siloé » (Jean 9,7). Ce que fit notre homme qui recouvra alors la vue. L’accueil de l’amour du Christ et l’obéissance à sa Parole vont rétablir l’homme dans sa dignité humaine et lui ouvrir le chemin de la vie.
Et nous ? Nous sommes bien souvent aveugles car trop préoccupés de nous-mêmes, trop préoccupés de notre bien-être, de nos convictions, de nos habitudes… et nous sommes assis au bord du chemin de la vie, incapable d’avancer ! Jésus vient à notre rencontre, il s’arrête près de nous, nous touche et nous invite à plonger dans la piscine de Siloé qui n’est rien d’autre que la communauté, les sacrements, la prière, la liturgie… tout cela nous fait recouvrer la vue.
Mais comme pour l’aveugle-né, cette action de Dieu ne nous laisse pas dans un petit confort bien tranquille. Nous aussi, il nous faut témoigner de l’action de Dieu dans la constance et le dépassement des difficultés. L’action de Dieu nous transforme même si celles et ceux qui nous entourent ont du mal à le reconnaître… L’action de Dieu dans nos vies a besoin que nous nous laissions rencontrer régulièrement par le Christ. Par ces rencontres, le Christ nous questionne pour faire grandir notre amour, pour avancer à sa suite. Oui, comme pour l’aveugle-né, Jésus nous demande : « Crois-tu au Fils de l’homme ? » (Jean 9,35) et peut-être que j’ai, moi aussi, envie de répondre : « Et qui est-il Seigneur, pour que je croie en lui ? » (Jean 9,36). Et tout l’enjeu du Carême est là : prendre le temps de connaître davantage Jésus, son visage, son amour… car là est la joie ! Entendons l’appel du pape François dans son exhortation ‘La joie de l’Evangile’ : « J’invite chaque chrétien, en quelque lieu et situation où il se trouve, à renouveler aujourd’hui même sa rencontre personnelle avec Jésus Christ ou, au moins, à prendre la décision de se laisser rencontrer par lui, de le chercher chaque jour sans cesse. Il n’y a pas de motif pour lequel quelqu’un puisse penser que cette invitation n’est pas pour lui, parce que ‘personne n’est exclus de la joie que nous apporte le Seigneur.’ Celui qui risque, le Seigneur ne le déçoit pas, et quand quelqu’un fait un petit pas vers Jésus, il découvre que celui-ci attendait déjà sa venue à bras ouvert. » (Pape François, Evangelii Gaudium, n°3)