D’une rive à l’autre…

affiche-du-festival-de-saint-riquier-2d-39-une-rive-l-39-autre-visuel-internet-bdAu cœur de ce festival, nous passons, ce dimanche matin, d’une rive à l’autre. La musique est l’une de ces rives. Elle nous offre l’un des visages de la beauté, en ce qu’elle permet d’exprimer à travers l’homme la splendeur du Créateur de toutes choses. Le célébrer en participant à une prière à la fois commune et individuelle lors de la messe nous fait aborder l’autre rive, celle qui nous accueille dans une communion avec Dieu. Au sein de cette abbatiale, musique et prière se rejoignent sur l’océan de nos vies. Les uns, par leur art, permettent aux autres d’élever leur prière vers Dieu. Les autres, par leur prière, permettent que leur art devienne prière. Tout ce qui tend vers le beau converge, écrivait Saint Augustin.

Les lectures de ce dimanche nous parlent d’une autre symphonie ; partition que nous aimerions tous jouer, car elle est la plus belle de notre vie, celle dont le titre porte ce mot merveilleux : Amour ! A travers la parabole bien connue du bon samaritain, Jésus vient nous révéler ce qu’est l’amour véritable, celui qui épanouira notre vie. Cet amour est à la fois amour de Dieu et amour du prochain ; deux dimensions indissociables et complémentaires. Aimer son prochain nous rapproche de Dieu. Aimer Dieu nous fait aimer notre prochain. Pour vivre cet amour, il n’est besoin de traverser les mers. Le livre du Deutéronome nous dit : aimer est en tout premier lieu une affaire et une attitude de notre cœur.

Le pape François, dans l’encyclique qu’il vient d’écrire «Lumière de la foi», nous rappelle que «le cœur est le centre de l’homme, le lieu où s’entrecroisent toutes ses dimensions: le corps et l’esprit; l’intériorité de la personne et son ouverture au monde et aux autres; l’intellect, le vouloir, l’affectivité.» (Lumen Fidei 26) Il nous explique que «si le cœur est capable d’unir ces dimensions, c’est parce qu’il est le lieu où nous nous ouvrons à la vérité et à l’amour, et où nous nous laissons toucher et transformer profondément par eux.» (Ibid.)

Et l’amour commence par cet acte capital qui est celui d’écouter. «Ecoute la voix du Seigneur ton Dieu» écrit l’auteur du Deutéronome (10,30) ou encore au chapitre 6 verset 4, cité aussi dans l’évangile selon saint Marc (12,29): «Écoute, Israël…». Ecouter est tout simplement se rendre disponible à l’autre, ouvrir son cœur à l’autre

Un musicien ne commence-t-il pas par une écoute et donc une imprégnation des sonorités de son instrument ? Avant même de savoir comment, par son jeu et sa technique, il saura le faire sonner de la plus belle des manières pour lui permettre d’émettre les plus belles des notes. Ainsi les cordes de la harpe de David surent guérir Saül de ces tourments.

Aimer, c’est commencer par écouter l’autre, avant même de savoir ce que je pourrais mettre en œuvre de ma propre personne pour que l’autre puisse s’épanouir. «L’amour ne peut se réduire à un sentiment qui va et vient. Il touche, certes, notre affectivité, mais pour l’ouvrir à la personne aimée et pour commencer ainsi une marche qui est un abandon de la fermeture sur son propre ‘moi’ pour aller vers l’autre personne, afin de construire un rapport durable…» (Lumen Fidei 27)

C’est bien ce que fait le samaritain de l’évangile. Lui, l’étranger qu’il ne faut pas fréquenter, écoute la détresse de ce pauvre homme roué de coups et laissé pour mort au bord du chemin. Il entend et voit sa souffrance, son appel à l’aide. Il est pris de compassion devant les souffrances de cet homme, tant il se sent proche de cet homme tombé au bord de la route.

A y regarder de plus près, nous découvrons que le portrait du samaritain, que Jésus nous propose dans cette parabole, est en fait sa propre image. C’est lui qui est avant tout pris de pitié, pris de compassion pour notre humanité. L’homme blessé est chacun de nous. Jésus nous prend avec lui et nous prodigue les soins nécessaires pour que nous retrouvions la vie. Il nous prend avec lui pour la traversée de la vie. Et comme il avait répondu aux docteurs de la Loi qui l’interrogeaient, Jésus nous invite à entrer – nous aussi – dans cette dimension de l’amour, dans cette dimension du don.

Avec ce récit de l’histoire du bon samaritain, Jésus redit avec insistance la loi de Dieu: «Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cour, de toute ton âme, de toute ta force et de tout ton esprit et ton prochain comme toi-même» (Luc 10,27), nous invitant à faire de nos vies une ode à l’amour. Le Christ guide son peuple comme un chef d’orchestre conduit ses musiciens. Il nous aide à interpréter la partition de notre vie, pour peu que nous acceptions de nous laisser guider par les mouvements de ses mains par une baguette en forme de houlette ! Amen.

Homélie pour le 15ème dimanche ordinaire – Année C
Messe du Festival de Saint Riquier

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