L’heure du choix a sonné pour le dernier épisode de notre feuilleton de l’été… Nous terminons aujourd’hui la lecture du chapitre 6 de l’évangile selon saint Jean. Comme pour certains films, c’est au lecteur d’écrire la fin : sommes-nous de ceux qui partent parce que nous trouvons ces paroles intolérables ? ou répondons-nous, comme l’apôtre Pierre : « Seigneur, à qui irions-nous, tu as les paroles de la vie éternelle. »
Mais avant de continuer sur ce passage d’évangile, permettez-moi de revenir quelques instant sur la lecture de saint Paul que nous venons d’entendre. En effet, j’ai vu dans cette assemblée, quelques personnes de la gente féminine bondir sur son siège alors que quelques hommes se sont redressés en esquivant un large sourire. J’ai donc peur que ni les uns ni les autres n’aient bien compris ce beau texte de saint Paul !
Ce texte sort de la conception antique du mariage qui repose souvent sur un simple accord comportant l’acquisition d’une femme. Celle-ci passe alors de l’autorité du père à celle du mari. Bien au contraire, ce texte vient rejoindre les nombreux textes bibliques qui s’émerveillent et parlent de la beauté du couple humain. L’amour humain y est présenté avec une grande profondeur : il est l’image de l’amour de Dieu.
Saint Paul envisage ici le mariage à la lumière du Christ. L’époux doit aimer son épouse du même amour que le Christ aime l’Eglise. L’époux est appelé à entrer dans le mouvement du don de soi du Christ, lui qui, se dépossédant entièrement de lui-même, s’est donné, sans réserve, par amour pour le Père et pour les hommes (Ph 2, 6-11). Il ne peut pas y avoir de relation entre époux qui ne soient inspirées par cette dépossession de soi pour l’autre. Saint Paul ajoute même que les maris doivent aimer leurs femmes comme leur propre corps. (v. 28) Le commandement du Christ : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » prend donc une signification plus grande encore au sein d’un couple.
Saint Paul ne donne d’autres conseils pour les couples que de prendre pour modèle le mystère même du Christ : « Par respect pour le Christ, soyez soumis les uns aux autres… » (v. 21). Tout ce que le Christ a fait pour son Eglise, que l’époux le fasse pour son épouse, qu’il déploie pour elle toute la délicatesse, qu’il soit prêt à donner sa vie pour elle. « Nul n’a d’amour plus grand que celui qui donne sa vie pour ceux qu’il aime » (Jn 15, 13). En réciprocité, devant un tel débordement de tendresse, l’épouse n’a aucune crainte à se soumettre à l’amour de son époux.
Rappelons au passage que la soumission, dans la bible, n’a rien à voir avec l’esclavage. Il s’agit simplement d’une écoute confiante, amoureuse : le croyant met son oreille devant la Parole de Dieu par ce qu’il sait que Dieu est amour. Et le croyant fait une réponse vivante et confiante à cette parole, en y engageant tout ce qui fait sa personne.
Saint Paul vient donc mettre en lumière toute la profondeur et la beauté du mariage. L’union entre l’époux et son épouse est à l’image de l’union entre le Christ et l’Eglise. Cette dernière étant elle-même le prélude et le germe de l’union de Dieu et toute l’humanité. Cette union se réalise dans le don de sa vie par le Christ. Le mariage est donc d’une haute dignité. Le couple humain a donc pour vocation de refléter l’amour du Christ pour son Eglise. La vie quotidienne des époux est le lieu par excellence « de ce plus grand amour », signe de celui qui en est l’auteur et la source jaillissante.
Au regard de ce texte, nous ne pouvons donc que réentendre l’apôtre Pierre répondre à la question du Christ : « Seigneur, vers qui pourrions-nous aller ? Tu as les paroles de la vie éternelle ».
Le sacrement de mariage, à l’image de la vie consacrée, est pleinement un don de soi qui ne peux se réaliser sans vivre en communion avec le Christ, sans se laisser nourrir par Celui qui est le pain vivant. Comme nous l’avons vu dans les dimanches précédents, cette communion se réalise, se vit, se nourrit par ma participation à l’Eucharistie, par ma vie sacramentelle, par ma vie de prière. Celle-ci se manifeste dans mes attitudes et mes façons d’être… je vous renvoie aux homélies des dimanches précédents.
Que les méditations de ce très beau chapitre 6 de l’évangile selon saint Jean nous permettent de découvrir, de nous laisser renouveler dans notre foi, dans notre amour, notre union au Christ. C’est de cette union du Christ et de l’Eglise, donc de mon union personnelle avec le Christ (ne l’oublions pas : quand l’Eglise prie c’est aussi moi qui prie et quand je prie, c’est toute l’Eglise qui prie par moi) et aussi de l’union des deux époux ensemble que la vie jaillie. Amen.