Étrange… et même choquant ces quelques mots du livre d’Isaïe : « Voici votre Dieu : c’est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu ». (Is 35, 4) Dieu est-il cruel ? Dieu a-t-il le cœur si dur ? Car si Dieu doit se venger du mal qu’il reçoit, de l’offense qui lui est faite alors nous avons de quoi trembler et avoir peur…
Deo Gratias ! Dieu est Dieu et il n’agit pas à la manière humaine ! Dieu ne se venge pas pour punir une offense en rendant à l’autre le mal pour le mal. La vengeance de Dieu est la plus belle des vengeances, elle est un formidable cri d’espérance. Lisons ensemble la suite du texte : « Dieu vient lui-même et va vous sauver. » (Is 35, 4). Le Salut offert par Dieu se manifeste par la restauration de l’humanité dans son intégralité : les yeux des aveugles et les oreilles des sourds vont s’ouvrir, le boiteux bondira et la bouche du muet criera de joie. La vie va jaillir à profusion.
Quelle espérance que cette vengeance de Dieu, cette revanche ! Ce n’est pas contre l’homme que Dieu veut se venger, qu’il veut prendre sa revanche. Dieu se venge contre le mal qui nous atteint, la revanche de Dieu est de nous rendre notre dignité !
Quelle saveur alors que les paroles du psalmiste qui viennent d’être proclamées. (Psme 145(146)). Elles nous chantent la plénitude et la profondeur de cette vengeance de Dieu. Voilà tout le poids de l’amour de Dieu, toute la gloire de Dieu !
Le geste que Jésus pose dans l’évangile nous dit quelque chose de la réalisation du Salut. Voilà que l’on conduit à Jésus un sourd-muet, un homme exclu de toute relation puisqu’il ne peut ni parler ni entendre, un homme à l’image de notre monde : incapable d’entendre la voix de son Dieu et d’y répondre.
C’est dans une relation privilégiée avec cet homme, que Jésus va opère sa guérison. Relation privilégiée car elle se vit à l’écart, loin de la foule avide de spectaculaire, d’évènements sensationnels. Relation privilégiée car elle est une rencontre personnelle entre l’homme et le Sauveur. Le Christ va opérer une véritable recréation de l’homme comme le potier prend délicatement l’argile entre ses mains pour lui donner la forme voulue. Dans une relation filiale avec son Père (« Les yeux levés au ciel ») et laissant gémir l’Esprit en lui (« Il soupira »), Jésus opère le Salut de l’humanité.
A l’heure de l’événementiel et du spectaculaire, cette guérison qui opère le Salut de l’homme, comme la Résurrection qui opère le Salut de la création, vient nous rappeler que l’action de Dieu se passe dans le silence, au sein même d’une relation interpersonnelle avec le Créateur.
Nous sentons dans ces lectures tout le poids d’amour de Dieu pour nous. La bonté même de Dieu suinte dans ces textes… mais nous avons aussi à y lire un appel pour notre vie personnelle : le sourd-muet est chacun de nous, est notre humanité. Laissons-nous entraîner par le Christ à l’écart, laissons-le toucher en nous ce qui est blessé, défiguré. Le Christ vient nous recréer, nous restaurer dans notre dignité de Fils de Dieu. Apprenons également à aimer comme Dieu nous aime, à regarder notre prochain avec les yeux même de Dieu : ne regardons pas sa façon de s’habiller, la grosseur de son portefeuille… regardons son cœur : seuls les riches de la foi, les riches de l’amour de Dieu, ceux qui savent se laisser aimer par Dieu et qui savent aimer comme Dieu sont héritiers du Royaume. Que la grâce de cette Eucharistie nous donne de découvrir véritablement tout le poids de l’amour de Dieu pour nous, pour notre humanité. Que la grâce de cette Eucharistie nous donne de savoir chanter véritablement la Gloire de Dieu ! Amen.