Joie et action de grâce: voilà à quoi nous invite l’Eglise en ce jour de l’Ascension. N’est-ce pas un peu paradoxal? Nous célébrons le jour où Jésus quitte cette terre et l’Eglise nous invite à la joie et à l’action de grâce. C’est ce que nous avons dit dans la prière d’ouverture de cette Eucharistie: «Dieu qui élèves le Christ au-dessus de tout, ouvre-nous à la joie et à l’action de grâce.»
Pourquoi donc faut-il être dans la joie et l’action de grâce? Parce que l’Ascension est une Bonne Nouvelle pour nous! L’Ascension de Jésus est notre victoire! En montant au Ciel, Jésus nous ouvre la porte, le chemin: il entre dans la gloire de Dieu pour qu’à notre tour nous puissions y entrer aussi.
Si Jésus quitte une proximité physique avec ses disciples, c’est parce qu’il réalise auprès de nous une présence nouvelle. Jésus n’est pas parti n’importe comment. Dans les Actes des Apôtres, nous avons lu que Jésus s’éleva; de même dans l’Evangile: « Le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et s’assis à la droite de Dieu. » (Marc 16,19). Cela signifie que Jésus est en Dieu avec sa nature humaine, et étant en Dieu, sa promesse, dans l’évangile selon saint Matthieu peut se réaliser: « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. » (Matthieu 28,20)
Notre motif de joie et d’action de grâce est là: avec l’Ascension de Jésus, notre vie prend une dimension nouvelle. Par le baptême, nous sommes devenus membre de son corps. Aujourd’hui, nous entrons donc avec lui dans la gloire de Dieu… et en attendant que cela se réalise pleinement par la mort à la vie terrestre, « c’est là que nous vivons en espérance. » (Prière d’ouverture de l’Eucharistie). Dès aujourd’hui, notre nature humaine est déjà en Dieu. C’est tout le sens de la prière après la communion: « Dieu qui nous donnes les biens du ciel alors que nous sommes encore sur la terre; mets en nos cœurs un grand désir de vivre avec le Christ, en qui notre nature humaine est déjà près de toi. » Saint Augustin écrit dans une des ces homélies: «Écoutons ce que nous dit l’Apôtre: Vous êtes ressuscités avec le Christ. Recherchez donc les réalités d’en-haut: c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu. Le but de votre vie est en haut, et non pas sur la terre.» (Sermon de saint Augustin pour l’Ascension, office des lectures de la solennité de l’Ascension).
Alors aujourd’hui une question se pose à nous: vais-je rester là sur la terre à regarder béatement le ciel en attendant que cela se passe… ou, au contraire, je vais mettre en route ce formidable moteur de l’espérance qui me fait désirer le ciel et tout mettre en œuvre, dès maintenant, pour pouvoir entrer, au jour J, dans la gloire de Dieu?
Pour cela, ayons foi en la Parole de Dieu: « à chacun d’entre nous, la grâce a été donnée selon la mesure du don fait par le Christ » (Éphésiens 4,7) Comme pour les Apôtres, le Christ, par le don de l’Esprit Saint, imprime en nous le mouvement du témoignage: « Allez dans le monde entier. Proclamez l’Évangile à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé; celui qui refusera de croire sera condamné. » (Marc 1615-16)
À l’Ascension, le chemin du ciel s’ouvre pour chacun de nous. Il nous sera d’autant plus facile à le trouver que nous aurons osé, que nous aurons risqué cette recherche dès ici-bas en faisant fructifier le don de la grâce reçu à notre baptême, en étant des témoins authentiques de l’Évangile là où nous sommes envoyés. Ne restons pas bêtement à regarder le ciel en attendant que la vie passe… mais allons annoncer au monde entier l’Évangile. N’ayons pas peur d’interpréter, au cœur du monde, la partition de l’Évangile, c’est là la source de notre joie et de notre action de grâce. Amen.