Bienheureux médecins qui n’ont pas réussi à sauver la fille de Jaïre, ni à guérir cette femme «qui avait des pertes de sang depuis douze ans» (Marc 5,25). Bienheureux êtes-vous car vous nous permettez, aujourd’hui, de recevoir un bel enseignement sur l’acte de foi. En effet, l’évangile de ce dimanche nous relate deux récits de miracles imbriqués l’un dans l’autre.
Arrêtons-nous en premier sur le miracle demandé par Jaïre. Ce dernier est un homme connu sur la place publique: il est chef de synagogue. Cet homme connait un drame personnel: sa fille se meurt et personne n’a réussi à la sauver. Aussi, dans sa douleur, il vient se jeter au pieds de Jésus. Pour cela, il lui sera nécessaire de fendre la foule. Il ne fait pas sa demande à Jésus en catimini mais bien au grand jour. Il n’attend qu’une chose: un rite de guérison, une prière de bénédiction pour que sa fille retrouve la santé.
N’est-ce pas le cri normal d’un père devant son enfant qui se meurt? Qui n’a jamais connu ces heures de prière qui viennent de l’angoisse et de l’amour, du refus de l’irrémédiable et d’un appel au secours lancé parce que la vie semble s’évanouir?
Jésus ne répond rien à la demande de Jaïre. Pas même un simple mot pour tranquilliser le père angoissé. Comme pour nous parfois, en réponse à notre prière, Jésus semble silencieux. Il ne répond rien mais il accompagne. Même quand Jésus semble absent à notre demande, quand tout semble fini, sans espoir de retour: «Ta fille vient de mourir. À quoi bon déranger encore le maitre?» (Marc 5, 35), Jésus est présent à côté de nous, attendant le moment où nous serons capable d’entendre et d’accueillir sa parole: «Ne crains pas, crois seulement.» (Marc 5,36)
Le deuxième miracle de l’évangile, au contraire de Jaïre, concerne une femme exclue de la société de part sa maladie. Cette femme est rendue impure par des pertes de sang continuelles. En touchant la frange du vêtement du Christ, cette femme obtient sa guérison. Nous pouvons être étonné de la réaction de Jésus qui cherche, au milieu de cette foule compacte qui l’entoure, qui l’a touché. Mais pour lui, nous ne sommes pas des personnes anonymes perdues dans la foule. Tout contact avec Jésus demande d’entrer en dialogue avec Lui. Ce dialogue conduit à faire la vérité, à être en vérité. Ce dialogue fait passer la femme malade, craintive et sans espérance à une personne qui a reçue bien plus qu’une guérison corporelle puisqu’elle retrouve paix, dignité. La Parole du Christ remet debout, ouvre une espérance: «Ma fille, ta foi t’a sauvée. Va en paix et sois guérie de ton mal.» (Marc 5,34)
Comme pour la fille de Jaïre, comme pour cette femme, Jésus entend chacun de nos actes de foi. Ceux-ci le touchent profondément. Comme «on ne peut plonger sa main dans l’eau sans se mouiller, ou dans un brasier sans se brûler, de même on ne peut prendre contact avec Dieu par la foi sans puiser dans sa richesse infinie.» (Vénérable Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus, in Je veux voir Dieu, p.62)
Dans chacun de ces miracles, la foi procure la même chose: elle permet une action de Dieu en notre vie par un contact vivant et réel avec Lui. Oui, «tout contact avec Dieu par la foi a la même efficacité. Indépendamment des grâces particulières qu’il a pu demander et obtenir, il puise en Dieu une augmentation de vie surnaturelle, un enrichissement de charité.» (Ibid.)
La foi permet à l’œuvre du Salut de s’accomplir. Elle permet à l’œuvre de Dieu de traverser notre vie et de lui redonner vie. En effet, nous l’avons entendu dans la première lecture: «Dieu n’a pas fait la mort» (Sagesse 1,13) mais «la mort est entrée dans le monde par la jalousie du démon» (Sagesse 2,24). Bien sur, il ne s’agit pas de la mort physique qui n’est que la simple transformation de la chenille en papillon. Il s’agit d’une mort bien plus douloureuse: la mort spirituelle, la privation de Dieu. Jésus vient nous sauver de cette mort par le pardon des péchés et la libération des forces du mal, par le don d’une vie nouvelle. C’est cette vie nouvelle qu’accueille la fille de Jaïre et avec elle toute sa famille. C’est cette vie nouvelle qu’accueille cette femme qui a l’audace de toucher le vêtement du Christ.
Et moi, ai-je l’audace de crier vers le Seigneur? Ai-je l’audace de venir entendre sa Parole, d’accueillir le salut qu’il m’offre par la prière et la vie sacramentelle? Oser poser un tel acte de foi, c’est s’ouvrir un avenir, c’est entrer dans l’espérance, c’est pouvoir faire monter ma louange vers le Seigneur à l’image du psalmiste: «Quand j’ai crié vers toi, Seigneur, mon Dieu tu m’as guéri; Seigneur, tu m’as fait remonter de l’abîme et revivre quand je descendais dans la fosse. (…) Que mon cœur ne se taise pas, qu’il soit en fête pour toi; et que sans fin, Seigneur mon Dieu, je te rende grâce.» (Psaume 29(30)).
Prenons conscience que par cette Eucharistie, à la fois: nous crions vers Dieu pour qu’il nous sauve; que nous accueillons le Salut qu’il nous offre; et que nous chantons notre action de grâce pour le Salut déjà reçu. Amen.