Aujourd’hui, nous fêtons la Croix Glorieuse… mais n’est-ce pas un contre-sens? Comment la croix, signe d’un supplice humiliant où le condamné est exposé nu, suffocant, au regard de tous et promis à une mort lente, peut-elle être glorieuse?
N’êtes-vous pas étonnés par l’évangile choisi par l’Église pour la fête de ce jour? Nous fêtons la Croix Glorieuse et ce n’est même pas un des évangile de la mort du Christ sur la croix que nous avons entendu. L’Église a offert à notre méditation ce texte de saint Jean tiré du dialogue de Jésus avec Nicodème.
Au cœur de ce dialogue, Jésus nous offre un enseignement sur le sens de la Croix à venir qui nous place dans une dimension différente de celle de la douleur et de la souffrance. Pour cela, Jésus s’adresse à son interlocuteur avec une image qu’il peut comprendre. Jésus repart de l’image du serpent de bronze tiré du livre des Nombres, que nous avons entendu en première lecture.
« De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin que tout homme qui croit obtienne par lui la vie éternelle. » (Jean 3,14-15) Qu’est-ce que cela signifie?
Durant l’Exode, une invasion de serpents venimeux convainc les Hébreux qu’ils sont punis pour avoir une fois encore récriminé contre Dieu. Ils demandent donc à Moïse d’intercéder pour eux auprès de Dieu. La réponse divine ne se fait pas attendre: que Moïse fasse un serpent de bronze et qu’il le fixe sur une perche.
En ce temps-là, il était de coutume d’adorer un dieu guérisseur représenté par ce signe du serpent de bronze enroulé autour d’une perche. Moïse, en partant d’un signe qui parle au peuple, suscite la foi en Dieu, celui qui les a libéré d’Egypte. « En regardant ce signe, adressez votre prière au Dieu de l’Alliance, c’est lui qui vous sauve », dit Moïse. Au désert, pour être guéri physiquement, il fallait lever les yeux avec foi vers le Dieu de l’Alliance.
En reprenant cette image à son compte, Jésus nous dit qu’il faut maintenant élever notre regard avec foi vers le Christ en Croix pour obtenir notre guérison, pour obtenir la vie éternelle, la vie avec Dieu. Ainsi, la Croix n’est plus uniquement objet de supplice, elle devient aussi le signe de notre Salut: « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique: ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle. » (Jean 3,16)
En regardant le Christ en croix, nous pouvons nous écrier, comme le centurion: « Vraiment, cet homme était le Fils de Dieu. » (Marc 15,39). En regardant le Christ en croix, nous pouvons laisser monter vers Dieu notre acte de foi en son amour miséricordieux. En son Fils Jésus, le Père vient nous rejoindre au plus profond de notre humanité, là où se trouve souvent notre souffrance, notre misère, pour nous y révéler son amour.
La croix, nos croix, qu’elles soient petites ou grandes, sont les lieux où nous pouvons nous laisser toucher par l’amour infini de Dieu. Au cœur de la souffrance, le Christ nous rejoint. Au cœur de la souffrance, Dieu nous dit, en Jésus crucifié, sa Parole qui est amour, miséricorde et pardon. Puissions-nous demander simplement la grâce d’y expérimenter pleinement cet amour de Dieu et de nous livrer à ce dernier dans un total abandon. Amen.
Homélie pour la fête de la Croix Glorieuse