Seul, sur la plage, les pieds dans l’eau ou pas, peu importe…
Une plage (de la côte picarde par exemple), un peu à l’écart des habitations, là où il n’y a pas grand monde qui se promène. Une plage, avec sa vaste étendue de sable, à marée basse, là où l’horizon s’étale à perte de vue, où rien n’arrête le vent du large. Une plage et y être seul, le nez en l’air et les cheveux au vent, à contempler ce paysage qui s’offre au regard. Dans cette contemplation, je peux appréhender la vie qui peuple ce monde: la beauté du vol d’un oiseau ou celle d’un coquillage resté là de la dernière marée; apercevoir tel pêcheur ou cueilleur de moules, tel cavalier ou char à voile passant à l’horizon; y voir aussi cette pollution de la mer par l’eau qui vient s’échouer là… Dans cette contemplation, il y a alors comme une présence qui vient me saisir, quelque chose de l’infini, d’un horizon plus large, plus vaste que cette terre: quelque chose du Créateur, de Dieu lui-même.
Seul sur cette plage, je peux être pris par la force du vent et de la tempête, sentir le poids de la chaleur du soleil que rien n’arrête (et oui, même sur la côte picarde!). Je peux être pris par l’envie de m’arrêter et de rester là au soleil à lézarder, ou au contraire, me laisser pousser par la douce brise qui vient de large et m’invite à aller plus loin…
Ces attitudes peuvent être l’image de la prière qui monte de mon cœur: prière de louange, d’action de grâce; cri de celui qui est pris dans la tourmente; ou prière silencieuse qui contemple cette création toujours nouvelle, toujours plus belle.
Vivre une retraite, c’est un peu comme une belle ballade sur l’immensité de cette plage. C’est partir à l’écart, pour se remettre face à l’essentiel: le Christ. Se remettre devant Lui, s’en remettre à Lui. C’est ressaisir les éléments de sa vie, calmes ou tempétueux, pour les offrir à Dieu et y découvrir la trace de son passage, de sa présence. C’est prendre le temps de regarder cette plage qui se découvre devant moi et sur laquelle il me faut avancer en confiance… C’est entendre ou réentendre l’appel du Christ pour avancer en eau profonde. C’est se mettre dans le souffle de la brise légère qu’est l’Esprit Saint pour me laisser conduire là où bon lui semble.
Vivre une retraite, c’est partir à l’écart afin de prendre un peu de distance vis à vis de mon lieu de vie habituel, de la mission confiée, afin de le regarder de plus loin, le voir sous un angle nouveau. Avec la distance, y apercevoir, découvrir tels ou tels aspects qui me sont passés inaperçus… Et avoir la joie de pouvoir revenir les contempler de plus près!
Mais enfin, trois semaines! Comment peut-on vivre trois semaines de retraite, en silence? C’est inhumain! Tout à fait! C’est pas humain… c’est divin! Allez, je m’en vais vous rassurer sur la journée de l’abbé de Somme en retraite, non pas dans la Baie de Somme mais en Provence! (C’est là!)
7h00: lever, petit déjeuner.
7h45: office des Laudes et oraison.
9h30: travail manuel (rien de tel qu’un peu d’exercice, utile à toute la communauté, pour s’oxygéner et en silence).
10h45: lecture spirituelle…
12h00: messe.
12h45: repas suivi d’une récréation.
14h30: sieste, lecture spirituelle, office des lectures… bref, en silence.
18h45: oraison.
19h45: office des vêpres.
20h00: repas suivi d’une récréation. (les récréations sont l’occasion de prendre des nouvelles des uns et des autres, de partager sur tel ou tel événement…).
21h30: office des complies puis grand silence de la nuit.
Bien sur, les dimanches, c’est fête: les repas ne sont pas en silence! Et il faut aussi une bonne détente physique, alors le mercredi après-midi c’est grande ballade, une occasion de mieux connaître les membres en formation. Et au milieu de tout cela: trois vrais jours de désert, totalement en silence!
Et c’est reparti pour un an!