Thérèse de Lisieux, une femme pour aujourd’hui

Ste Thérèse de l'EJThérèse de Lisieux, une femme pour aujourd’hui… ce titre peut paraître un peu prétentieux si nous nous arrêtons à la réputation qui a été faite à cette grande sainte proclamée Docteur de l’Église en 1997 par le Vénérable Jean-Paul II. En effet, Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face, tel est son véritable nom de religieuse, a souvent une réputation de mièvrerie. Et pourtant… quand nous prenons le temps de nous pencher sur sa vie et ses écrits nous découvrons la grandeur de cette sainte qui n’a vécu que 24 ans !

1 – La vie de Thérèse :

Nous allons retracer sa vie rapidement pour essayer de découvrir ce que cette vie peut nous dire en 2011.

Thérèse Martin est née à Alençon le 2 janvier 1873. Elle est la dernière de neuf enfants dont quatre sont morts en bas âge. Sa mère ne pouvant la nourrir place Thérèse chez une nourrice pendant la première année de sa vie. (Mars 1873 – Avril 1874).

Thérèse a une enfance heureuse, elle est de caractère joyeux. Très sensible, elle manifeste une nette tendance à l’impatience et à la colère. Cependant, sa famille l’habitue, très jeune, à « faire plaisir » à Jésus. A l’âge de 4 ans et demi, un drame se produit : la petite Thérèse perd sa mère qui meurt d’un cancer du sein. Le choc est très fort pour Thérèse. Devant l’absence de cette mère aimée, Thérèse choisit alors comme seconde mère sa sœur Pauline, la seconde de la fratrie.

La famille Martin quitte Alençon pour venir s’installer à Lisieux, là où réside déjà la famille du frère de Mme Martin. Ils s’installent aux Buissonnets.

Le 3 octobre 1881, Thérèse entre comme demi-pensionnaire à l’abbaye Notre-Dame du Pré, une école tenue par les bénédictines. Les cinq années qu’elle va passer dans cette école vont être les années les plus tristes de sa vie. Bonne élève, timide et scrupuleuse, elle vit mal les heurts de la vie scolaire.

Le 2 octobre 1882, un nouveau drame se produit : sa sœur Pauline entre au Carmel, où elle prend le nom de sœur Agnès. Ce nouveau choc la fit tomber gravement malade. Elle sombre dans une angoisse terrible. Elle sera guérit miraculeusement le jour de la Pentecôte, le 13 mai 1883, par le sourire de la Vierge.

L’année suivante, le 8 mai est un grand jour pour Thérèse : elle fait sa Première Communion ! Cet événement est une « fusion » d’amour : Jésus se donne enfin à elle et elle se donne à Jésus. L’idée de devenir carmélite fait son chemin. Mais un nouvel événement : l’entrée de sa sœur Marie, l’ainée de la famille, au Carmel déstabilise la benjamine de la famille. Voilà que celle qu’elle a choisie comme troisième mère la quitte également. Thérèse va alors déclencher une grave crise de scrupules obsédants, elle demeure hypersensible et « pleureuse à l’excès ». Cependant, au fond d’elle-même, elle aspire à murir et à être libérée. Ce sera chose faite au retour de la messe de minuit, à Noël 1886. La grâce touche son cœur, Thérèse vit une véritable conversion : « Je sentis en un mot la charité entrer dans mon cœur, le besoin de m’oublier pour faire plaisir et depuis lors je fus heureuse ! » (Manuscrit A, 45v°). Cette véritable conversion la transforme en femme forte.

Thérèse est alors prête à combattre pour le Carmel. Si elle obtient rapidement la bénédiction de son père pour entrer au Carmel à 15 ans, il lui faudra se battre pour obtenir celle de son oncle, de l’aumônier du Carmel, de l’évêque et même celle du pape Léon XIII. En effet, elle ira jusqu’à Rome pour obtenir l’autorisation du Souverain Pontife. Si ce dernier l’invite à obéir aux supérieurs, le pèlerinage à Rome est formateur pour Thérèse : elle s’aperçoit qu’en dehors de leur « sublime vocation », les prêtres ont leurs petits côtés. Elle saisit qu’il faut beaucoup prier pour eux car ce sont des hommes « faibles et fragiles ». Thérèse comprend que sa vocation n’est pas seulement de prier pour la conversion des grand pécheurs mais aussi de prier pour les prêtres.

Le 9 avril 1888, Thérèse entre, à 15 ans, au Carmel de Lisieux où elle terminera sa vie. Il y trouve une communauté de 26 religieuses qui mène une vie de prière dans le silence et la solitude. Le silence favorise l’oraison, ce cœur à cœur avec Dieu dont on se sait aimé. Cependant, plus d’une carmélite sont effrayées par la crainte d’un Dieu justicier… Mais Thérèse découvrira la voie d’enfance spirituelle que nous détaillerons dans une deuxième partie.

Dans la nuit du 2 au 3 avril 1896, les premiers signes de la maladie se manifeste. Elle est atteinte de tuberculose. À Pâques de la même année, elle entre dans une nuit épaisse où sa foi et son espérance doivent combattre. C’est dans de grandes souffrances que Thérèse vivre les derniers mois de sa vie pour s’éteindre le 30 septembre 1897.

Par ce parcours rapide de sa vie, nous pouvons découvrir que sainte Thérèse a une vie qui est proche de beaucoup de nos contemporains. A l’heure où la cellule familiale est mise à l’épreuve, à l’heure où l’épreuve de la maladie est difficilement supportable, Thérèse vient nous rejoindre par sa vie toute simple où elle-même a vécue quelque chose de semblable. Dès l’âge de quatre ans et demi, elle se retrouve privée de sa mère. Thérèse vit avec cette souffrance de n’avoir qu’un de ses deux parents à ses côtés pour la conduire à l’âge adulte. Elle supporte difficilement la vie scolaire, elle est confrontée à la maladie et à la souffrance, à un mal-être, comme beaucoup aujourd’hui. Sa vie, tout simple, n’est pas étrangère à beaucoup.

« Thérèse a connu la souffrance dans son corps et l’épreuve dans sa foi. Mais elle est demeurée fidèle parce que, dans sa grande intelligence spirituelle, elle savait que Dieu est juste et miséricordieux ; elle saisissait que l’Amour est reçu de Dieu plus qu’il n’est donné par l’homme. Jusqu’au bout de la nuit, elle mit son espérance en Jésus, le Serviteur souffrant qui livra sa vie pour la multitude (cf. Is 53,12). » (Jean Paul II, Angélus du 24 août 1997)

2 – Son enseignement

Voici ce que disait le Vénérable Jean Paul II, lors de l’Angélus clôturant les Journées Mondiales de la Jeunesse à Paris en 1997 : « L’enseignement de Thérèse, véritable science de l’amour, est l’expression lumineuse de sa connaissance du mystère du Christ et de son expérience personnelle de la grâce ; elle aide les hommes et les femmes d’aujourd’hui, et elle aidera ceux de demain, à mieux percevoir les dons de Dieu et à répandre la Bonne Nouvelle de son Amour infini. » (Angélus du 24 août 1997)

Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face nous aide, aujourd’hui, par son message à vivre la Première Annonce. Nous l’avons vu plus haut, beaucoup de chrétiens de son époque sont effrayés par la crainte d’un Dieu justicier. Thérèse a découvert au cœur de son existence, par les évènements et les rencontres qu’elle a faites, le vrai visage de Dieu : Dieu est amour. Oui, Thérèse a rencontré l’Amour de Dieu. L’amour d’un Ami qui se tient sans cesse à nos côtés, qui ne nous perd pas de vue et qui nous suit du regard en chacun de nos mouvements. Non pas un regard inquisiteur mais un regard amoureux. Vous savez ce regard que vous aimez porter sur la personne que vous aimez : j’aime à regarder celui que j’aime car sa présence me comble.

Thérèse découvre que le cœur divin de Jésus bat pour elle, comme pour chacun de nous, de façon particulière, comme si elle était seule au monde, comme si elle était sa seule créature. Et cet amour va au-delà de tout ce que nous pouvons imaginer. Jésus donnera sa vie par amour pour moi. Il nous chérit avec une tendresse et une délicatesse ineffables, gratuitement sans que nous n’ayons rien à faire. Ce n’est pas nous qui provoquons l’amour du Seigneur par nous vertus ou nos œuvres. L’amour du Christ nous précède toujours. Même nos fautes ne peuvent l’empêcher de nous aimer.

Thérèse nous aide à redécouvrir que l’amour de Dieu est don, don de lui-même. Dieu est un Père miséricordieux. Et cette miséricorde n’est pas réservée aux grands pécheurs comme Marie Madeleine ou saint Augustin. Elle agit dans le cœur de toutes les créatures même les plus pures comme la Vierge Marie. Chez les pécheurs, cette miséricorde guérit, chez les autres elle évite la blessure.

Thérèse, habillée de cette pureté, écrit : « Oui, je le sens, quand même j’aurais sur la conscience tous les péchés qui se peuvent commettre, j’irais le cœur brisé de repentir me jeter dans les bras de Jésus, car je sais combien Il chérit l’enfant prodigue qui revient à Lui. » (Manuscrit C, 36v°)

Dans son enseignement, la petite sainte nous fait redécouvrir que Jésus a soif, a soif des âmes. La mort du Christ sur la Croix est une mort d’amour. L’Amour meurt de ne pas être aimé. Ainsi, puisque Jésus a soif de nous, offrons-lui cette joie de se tenir à nos côtés. Donnons-nous à lui non pas par devoir, par peur ou par tradition mais simplement pour lui faire plaisir !

Mais attention, cette attitude amoureuse de Dieu ne doit pas nous faire croire que nous pouvons faire n’importe quoi puisque nous sommes assurés du pardon de Dieu. Penser ainsi c’est mal comprendre l’amour de Dieu et profiter de sa bonté.

L’amour appelle l’amour. Celui qui est aimé en vérité va chercher à répondre à cet amour. Qui n’a jamais eu envie de remercier quelqu’un uniquement par ce qu’il est touché par sa gentillesse ?

Plus Thérèse comprend l’amour de Jésus pour elle, plus elle va chercher à y répondre. C’est ainsi que va naître ce que nous appelons l’enfance spirituelle mais que Thérèse appelle sa petite voie. Thérèse nous montre un chemin tout simple pour aimer le Bon Dieu.

Regardons ensemble quel est ce chemin.

La petite voie que nous propose sainte Thérèse, prend sa source dans l’enseignement de Jésus lui-même : « Alors des petits enfants lui furent présentés, pour qu’il leur imposât les mains en priant ; mais les disciples les rabrouèrent. Jésus dit alors : « Laissez les petits enfants et ne les empêchez pas de venir à moi ; car c’est à leurs pareils qu’appartient le Royaume des Cieux. » Puis il leur imposa les mains et poursuivit sa route. » (Matthieu19,13-15)

Comment est nait cette petite voie ?

Dès son plus jeune âge, Thérèse a de grands désirs de gloire et de sainteté. C’est ce que nous pouvons lire dans son manuscrit A (32 r°) : « Je pensai que j’étais née pour la gloire, et cherchant le moyen d’y parvenir, le Bon Dieu m’inspira les sentiments que je viens d’écrire. Il me fit comprendre aussi que ma gloire à moi ne paraîtrait pas aux yeux des mortels, qu’elle consisterait à devenir une grande Sainte !!!… Ce désir pourrait sembler téméraire si l’on considère combien j’étais faible et imparfaite et combien je le suis encore après sept années passées en religion, cependant je sens toujours la même confiance audacieuse de devenir une grande Sainte, car je ne compte pas sur mes mérites n’en ayant aucun, mais j’espère en Celui qui est la Vertu, la Sainteté Même, c’est Lui seul qui se contentant de mes faibles efforts m’élèvera jusqu’à Lui et, me couvrant de ses mérites infinis, me fera Sainte. »

Elle écrit dans son troisième manuscrit, le Manuscrit C : « Vous le savez, ma Mère, j’ai toujours désiré d’être une grande sainte, mais hélas ! J’ai toujours constaté, lorsque je me suis comparée aux saints qu’il y a entre eux et moi la même différence qui existe entre une montagne dont le sommet se perd dans les cieux et le grain de sable obscur foulé sous les pieds des passants ; au lieu de me décourager, je me suis dit : le Bon Dieu ne saurait m’inspirer des désirs irréalisables, je puis donc malgré ma petitesse aspirer à la sainteté ; me grandir, c’est impossible, je dois me supporter telle que je suis avec toutes mes imperfections, mais je veux chercher le moyen d’aller au Ciel par une petite voie bien droite, bien courte, une petite voie toute nouvelle. Nous sommes dans un siècle d’inventions, maintenant ce n’est plus la peine de gravir les marche d’un escalier, chez les riches un ascenseur le remplace avantageusement. Moi, je voudrais aussi trouver un ascenseur pour m’élever jusqu’à Jésus, car je suis trop petite pour monter le rude escalier de la perfection. Alors j’ai cherché dans les livres saints l’indication de l’ascenseur objet de mon désir et j’ai lu ces mots sortis de la bouche de La Sagesse Éternelle : Si quelqu’un est tout petit, qu’il vienne à moi. (Pr 9,4) Alors je suis venue devinant que j’avais trouvé ce que je cherchais et voulant savoir, ô mon Dieu ! Ce que vous feriez au tout petit qui répondrait à votre appel j’ai continué mes recherches et voici ce que j’ai trouvé : – comme une mère caresse son enfant, ainsi je vous consolerai, je vous porterai sur mon sein et je vous balancerai sur mes genoux ! (Isaïe 66,13.12) Ah ! Jamais paroles plus tendres, plus mélodieuses, ne sont venues réjouir mon âme, l’ascenseur qui doit m’élever jusqu’au Ciel, ce sont vos bras, ô Jésus ! Pour cela je n’ai pas besoin de grandir, au contraire il faut que je reste petite, que je le devienne de plus en plus. » (Manuscrit C, 2v°-3r°)

Être petite, Thérèse sait ce que cela signifie. Elle « a toujours été petite : et dans sa famille, où la dernière de neuf enfants, elle a vécu sous la tutelle affectueuse de ses grandes soeurs, et au Carmel où précédée par deux de ses sœurs, entrée à quinze ans et morte à vingt-quatre ans, elle n’a jamais été que l’ainée du Noviciat et n’a pu parvenir à cette majorité canonique qui confère l’exercice des droits de la profession religieuse. Elle a toujours été la « petite Thérèse » par situation familiale et sociale ; elle le restera surnaturellement et jusque dans le ciel, par un grâce qui lui a fait réaliser avec une logique rigoureuse et absolue le modèle présenté par Jésus à ses plus intimes disciples.

Thérèse peut aisément copier les attitudes extérieurs de l’enfant, ses gestes affectueux et charmants, voire adopter son langage. Ne nous laissons pas tromper par ces formes extérieures qui ne sont pas éléments essentiels de l’enfance et pourraient bien en favoriser la déformation. L’enfant que sainte Thérèse prend et présente comme modèle, n’est pas ce petit être faible qui, par ses charmes conquérants, impose ses désirs et ses caprices, c’est celui dont elle fait elle-même la description : (Père Marie-Eugène de l’EJ, Ton amour a grandit avec moi, p 138-139, éditions du Carmel)

Être petit enfant, « c’est reconnaître son néant, attendre tout du bon Dieu comme un petit enfant attend tout de son père, c’est ne s’inquiéter de rien, ne point gagner de fortune(…)

Être petit, c’est encore ne point s’attribuer à soi-même les vertus qu’on pratique, se croyant capable de quelque chose, mais reconnaître que le bon Dieu pose ce trésor dans la main de son petit enfant pour qu’il s’en serve quand il en a besoin ; mais c’est toujours le trésor du bon Dieu. Enfin, c’est de ne point se décourager de ses fautes, car les enfants tombent souvent, mais ils sont trop petits pour se faire beaucoup de mal. » (CJ 6.8.8)

Nous pouvons donc maintenant dégager les étapes de l’enfance spirituelle, même si sainte Thérèse elle-même ne donne pas un traité didactique de sa doctrine :

  1. La première étape est constituée par la perception d’un écart infini entre le terme de notre désir, la communion avec Dieu, et la perception de nos limites humaines.
  2. Avoir de grands désirs (ici, le désir de la sainteté). Le désir est au cœur de la dynamique de la foi. Il ne s’agit pas de n’importe quel désir, mais d’un désir qui porte sur l’infini en réponse au désir de Dieu lui-même. Et ce désir n’est pas contraire à la Parole de Dieu : « Soyez saints, car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint » pouvons-nous lire dans le livre du Lévitique. (Lévitique 19,2)
  3. Reconnaître la réalité de notre faiblesse humaine devant Dieu et y consentir dans la foi. La condition humaine semble dérisoire au regard de l’infini de Dieu. Il est important de l’accepter avec réalisme pour que notre désir de Dieu ne vienne pas se confondre avec un désir imaginaire de toute puissance. Cela signifie que nous devons apprendre à nous connaître et à nous aimer tels que nous sommes.
  4. Ce constat d’un écart infini entre Dieu et nous pourrait conduire au découragement, à la résignation ou à l’indifférence. Thérèse, au contraire, nous appelle à une attitude doublement active.
    1. au plan spirituel et intérieur, il s’agit de vivre une audacieuse confiance en Dieu, source de notre vrai désir. Le secret de la communion avec Dieu est de ne pas mettre de limite à notre confiance en lui : rien ne lui est impossible, même si ses chemins sont pour nous incompréhensibles.
    2. au plan concret et extérieur, il nous faut persévérer dans des efforts à notre mesure pour parvenir à un but qui est pourtant hors de notre portée. L’attitude spirituelle, qui consiste à croire en la promesse de Dieu, ne suffit pas. Nous devons travailler à mettre en œuvre la réalité de l’amour de Dieu dans nos vies.
  5. Au terme, nous devons nous abandonner à la miséricorde de Dieu, car lui seul peut conduire notre vie à la pleine communion avec lui en venant lui-même nous rejoindre là où nous sommes.

Quels enseignements pratiques pour nous aujourd’hui ? Répondons à la question avec le père Marie Eugène de l’Enfant-Jésus :

1. Toute vie spirituelle doit chercher son fondement et son aliment constant en un regard sur Dieu, regard dont la simplicité fait la perfection. (…)

Cette connaissance et cette présence de Dieu qui sur les sommets est le fruit de l’amour, doit être recherchée et cultivée en toutes les étapes, car la vie éternelle, et celle dont nous jouirons au ciel, et celle que nous commençons ici-bas par la vie spirituelle, consiste essentiellement à connaître Dieu et Celui qu’il a envoyé, le Christ Jésus. (Père Marie-Eugène de l’EJ, Ton amour a grandi avec moi, p.145)

Entrer dans la voie de l’enfance spirituelle, c’est accepter de consacrer du temps à Dieu dans l’oraison. Oui mais faire oraison c’est compliqué ! Écoutons Thérèse nous parler de celle-ci :

« Moi je me considère comme un faible petit oiseau couvert seulement d’un léger duvet ; je ne suis pas un aigle, j’en ai simplement les yeux et le cœur car malgré ma petitesse extrême j’ose fixer le Soleil Divin, le Soleil de l’Amour et mon cœur sent en lui toutes [5r°] les aspirations de l’Aigle … Le petit oiseau voudrait voler vers ce brillant Soleil qui charme ses yeux, il voudrait imiter les Aigles ses frères qu’il voit s’élever jusqu’au foyer Divin de la Trinité Sainte… Hélas ! tout ce qu’il peut faire, c’est de soulever ses petites ailes, mais s’envoler, cela n’est pas en son petit pouvoir ! Que va-t-il devenir ! mourir de chagrin se voyant aussi impuissant ?… Oh non ! le petit oiseau ne va même pas s’affliger. Avec un audacieux abandon, il veut rester à fixer son divin Soleil ; rien ne saurait l’effrayer, ni le vent ni la pluie, et si de sombres nuages viennent à cacher l’Astre d’Amour, le petit oiseau ne change pas de place, il sait que par delà les nuages son Soleil brille toujours, que son éclat ne saurait s’éclipser un instant. Parfois, il est vrai, le cœur du petit oiseau se trouve assailli par la tempête, il lui semble ne pas croire qu’il existe autre chose que les nuages qui l’enveloppent ; c’est alors le moment de la joie parfaite pour le pauvre petit être faible. Quel bonheur pour lui de rester là quand même, de fixer l’invisible lumière qui se dérobe à sa foi !!!…

Jésus, jusqu’à présent, je comprends ton amour pour le petit oiseau, puisqu’il ne s’éloigne pas de toi… mais je le sais et tu le sais aussi, souvent, l’imparfaite petite créature tout en restant à sa place (c’est-à-dire sous les rayons du Soleil), se laisse un peu distraire de son unique occupation, elle prend une petite graine à droite et à gauche, court après un petit ver… puis rencontrant une petite flaque d’eau elle mouille ses plumes à peine formées, elle voit une fleur qui lui plaît, alors son petit esprit s’occupe de cette fleur… enfin ne pouvant planer comme les aigles, le pauvre petit oiseau s’occupe encore des bagatelles de la terre. Cependant après tout ces méfaits, au lieu d’aller se cacher au loin pour pleurer sa misère et mourir de repentir, le petit oiseau se tourne vers son Bien-Aimé Soleil, il présente à ses rayons bienfaisants ses petites ailes mouillées, il gémit comme l’hirondelle et dans son doux chant il confie, il raconte en détail ses infidélités, pensant dans son téméraire abandon acquérir ainsi plus d’empire, attirer plus pleinement l’amour de Celui qui n’est pas venu appeler les justes mais les pécheurs… Si l’Astre Adoré de meure sourd aux gazouillements plaintifs de sa petite créature, s’il reste voilé…eh bien ! la petite créature reste mouillée, elle accepte d’être transie de froid et se réjouit encore de cette souffrance qu’elle a cependant méritée…

O Jésus ! que ton petit oiseau est heureux d’être faible et petit, que deviendrait-il s’il était grand ?… Jamais il n’aurait l’audace de paraître en ta présence, de sommeiller devant toi… Oui, c’est là encore une faiblesse du petit oiseau lorsqu’il veut fixer le Divin Soleil et que les nuages l’empêchent de voir un seul rayon, malgré lui ses petits yeux se ferment, sa petite tête se cache sous sa petite aile et le pauvre petit être s’endort, croyant toujours fixer son Astre Chéri. A son réveil, il ne se désole pas, son petit cœur reste en paix, il recommence son office d’amour, il invoque les Anges et les Saints qui s’élèvent comme des Aigles vers le Foyer dévorant, objet de son envie [5v°] et les Aigles prenant en pitié leur petit frère, le protègent, le défendent et mettent en fuite les vautours qui voudraient le dévorer. Les vautours, images des démons, le petit oiseau ne les craint pas, il n’est pas destiné à devenir leur proie ,mais celle de l’Aigle qu’il contemple au centre du Soleil d’Amour. » (Ms B 4r°-5v°)

2. Toute vie spirituelle profonde est une vie mystique

« La spiritualité de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus est fondée sur cette double vérité, à savoir : l’impuissance de l’homme et le désir que l’Amour divin a de se communiquer. Elle reconnaît la nécessité de l’action personnelle, non qu’elle soit efficace par elle-même, mais parce qu’elle est une preuve de bonne volonté et d’amour ; elle met au premier plan la confiance et l’abandon parce que ces dispositions provoquent les effusions de l’Amour. Dès le début de la vie spirituelle, il n’y a qu’à s’abandonner comme un petit enfant. Tout est là. (Père Marie-Eugène de l’EJ, Ton amour a grandit avec moi, p. 153)

3. Les faveurs extraordinaires et les expériences savoureuses ne font pas partie intégrante de la vie mystique.

Si, comme pour confirmer notre foi nous sommes tentés de chercher des signes extraordinaires, du merveilleux surnaturel, la vie de sainte Thérèse vient nous redire qu’une vie tout à fait ordinaire peut être une vie sainte.

Thérèse nous dit elle-même : « la vraie gloire est celle qui durera éternellement et que pour y parvenir il n’était pas nécessaire de faire des œuvres éclatantes mais de se cacher et de pratiquer la vertu en sorte que la main gauche ignore ce que fait le droite… » (Manuscrit A 32r°)

Nous pouvons aussi penser à ce que disait une carmélite au soir de la vie de Thérèse. Elle se demandait ce qu’on allait pouvoir dire de Sr Thérèse de l’Enfant-Jésus car elle n’avait rien d’extraordinaire !

4. En la montrant réalisable à tous les chrétiens, Thérèse universalise la haute sainteté.

Tout l’enseignement et la vie de sainte Thérèse nous montre la volonté sanctificatrice de Dieu pour nous. Pour cela elle nous découvre la brasier vivant de la Miséricorde divine et qui cherche à se répandre, qui trouve sa joie à se donner et qui n’attend que la réponse de notre part, qu’il attend simplement que nous nous laissions aimer.

« A notre civilisation raffinée et blasée qui a perdu le sens de l’infini et qui en souffre, Dieu a envoyé une enfant qui, avec les charmes et la pureté lumineuse de sa simplicité, redit le message éternel de son amour, à savoir qu’il nous a créés par amour, que son amour reste vivant, qu’il est plus ardent encore à cause de nos abandons, qu’il attend que nous l’aimions comme des enfants, que nous nous laissions aimer comme de tout petits enfants. » (Père Marie-Eugène de l’EJ, Ton amour a grandi avec moi, p. 168)

« L’enseignement de Thérèse, véritable science de l’amour, est l’expression lumineuse de sa connaissance du mystère du Christ et de son expérience personnelle de la grâce ; elle aide les hommes et les femmes d’aujourd’hui, et elle aidera ceux de demain, à mieux percevoir les dons de Dieu et à répandre la Bonne Nouvelle de son Amour infini. (…) le message de sainte Thérèse, sainte jeune et présente en notre temps, vous convient particulièrement, à vous les jeunes : à l’école de l’Évangile, elle vous ouvre le chemin de la maturité chrétienne ; elle vous appelle à une infinie générosité ; elle vous invite à demeurer dans le « cœur » de l’Église les disciples et les témoins ardents de la charité du Christ. » (Vénérable Jean-Paul II, Angélus du 24 août 1997)

Conférence de Carême donnée à Roisel (80)  pour le secteur du Vermandois – le mardi 22 mars 2011

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