Dans une société qui prône la tolérance mais refuse la contradiction, où l’emporte celui qui parle le plus fort, où le dialogue se heurte à des murs d’indifférence, et où l’individualisme domine, l’Évangile que nous venons d’entendre nous donne une grande claque dans la figure ! Présentons-lui l’autre joue, afin que le Seigneur nous réveille pleinement et nous entraine dans la dynamique de l’amour à laquelle il nous appelle.
Jésus nous demande quelque chose d’apparemment impossible : aimer nos ennemis et faire du bien à ceux qui nous haïssent (cf. Luc 6,27). Est-il possible d’aimer un ennemi ? de faire du bien à quelqu’un qui me haït ? de prier pour celui qui me calomnie ? Face à l’ennemi, à celui qui me veut du mal, c’est plutôt un sentiment d’injustice qui m’habite et je désire au fond de moi, que la justice soit rétablie !
Mais Jésus nous demande d’aimer nos ennemis, de faire du bien à ceux qui nous haïssent, de prier pour ceux qui nous calomnient. Alors comment faire ? Écoutons la Parole de Dieu.
Dans la première lecture (1 Samuel 26,2.7-9.12-13.22-23), nous pouvons méditer l’exemple de David face à Saül qui en veut à sa vie. Alors qu’il en a l’occasion, David refuse de tuer Saül. Il choisit la miséricorde plutôt que la vengeance. Par ce geste, David préfigure l’attitude de Jésus qui nous demande d’aimer nos ennemis.
Dans un deuxième temps, nous pouvons méditer l’attitude de Jésus sur la croix. Cloué au bois de la croix par la conséquence de notre péché, Jésus y prononce alors ces mots : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font. » (Luc 23,34) Au lieu de nous maudire pour cet acte barbare et injuste, Jésus fait appel à la miséricorde du Père. Il nous montre jusqu’au va son amour : il donne sa vie pour nous racheter de notre péché. Il donne sa vie pour nous réconcilier avec lui. Jésus nous invite à accueillir son amour dans nos vies. A vivre de cet amour pour en devenir une source vivante au cœur du monde.
Cet amour nous l’accueillons dans la grâce des sacrements. Cette grâce nous donne la force de vivre cet amour, de le mettre en œuvre. Elle fait de nous l’être spirituel dont parle saint Paul dans la lettre aux Corinthiens. Elle permet à l’Esprit Saint d’agir en nous pour nous laisser aimer par le Christ et apprendre à aimer comme lui.
Cela touche notre identité d’enfant de Dieu. Si je veux pouvoir mettre en œuvre la Parole de Dieu et aimer comme Jésus nous y invite, il est nécessaire que je me laisse aimer par Lui ; que je prenne le temps de le contempler dans un cœur à cœur amoureux. C’est là que je ferais l’expérience de la miséricorde de Dieu et que je pourrais répondre à l’appel du Christ : « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. »(Luc 6,36)
Comment vivre cela ? A chaque fois que nous résistons à la haine et à la vengeance, à chaque fois que nous osons une parole de bénédiction et de bienveillance, nous faisons croitre l’amour. A chaque fois que nous mettons de l’amour là où il n’y en a pas, nous apprenons à aimer comme le Christ. A chaque fois que nous osons le pardon, nous faisons croitre l’amour.
Notre véritable ennemi n’est pas une personne. Notre véritable ennemi, c’est la violence et la haine, le pouvoir et la domination. Notre véritable ennemi n’est pas une personne car toute personne est enfant de Dieu et comme enfant de Dieu, elle est aimable au même titre que moi. Toute personne a la même dignité que moi qui suis aimé de Dieu et pour qui Dieu a donné sa vie. C’est à ce titre que je peux aimer l’autre.
N’ayons donc pas peur de nous mettre à l’école du Christ, à nous laisser enseigner par lui. Apprendre à aimer comme le Christ, c’est chercher sans cesse la victoire de l’amour dans nos relations familiales, dans nos relations de travail, dans notre société. Jésus nous invite simplement à entrer sur le chemin de la fraternité !
Que la grâce de cette Eucharistie nous renouvelle dans l’amour et nous donne de le vivre chaque jour. Amen.

