Aujourd’hui, l’évangile nous invite à gravir la montagne avec Pierre, Jacques et Jean pour contempler Jésus transfiguré.
Par cet évènement de la transfiguration, Jésus a voulu préparer lui-même ses disciples à l’épreuve de la Passion. Avant de leur parler ouvertement de sa souffrance et de sa mort, il leur donne à contempler sa gloire. Cet épisode est un peu comme s’il leur disait : « Ne craignez pas le chemin qui s’annonce difficile. Regardez qui je suis vraiment, et où je vous conduis. »
« Jésus pris avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il gravit la montagne pour prier. » (Luc 9,28) La montagne est le lieu de la rencontre avec Dieu. C’est là que Moïse et Elie ont vécu une rencontre avec Dieu. La montagne est le symbole de notre propre ascension spirituelle que représente le Carême. Nous aussi, nous sommes appelés à monter, à nous élever au-dessus du bruit et de l’agitation quotidienne pour retrouver Dieu dans la prière.
Quand Jésus prie, « l’aspect de son visage devint autre, et son vêtement devint d’une blancheur éblouissante. » (Luc 9,29) La prière transfigure. Elle ne change pas seulement notre apparence extérieure. Elle révèle qui nous sommes vraiment aux yeux de Dieu. Dans la prière authentique, nos masques tombent, et notre véritable identité d’enfants de Dieu commence à rayonner.
Moïse et Elie s’entretiennent avec Jésus. Ils représentent la Loi et les Prophètes. Ils représentent tout l’Ancien Testament qui converge vers le Christ. Ils s’entretiennent avec Jésus « de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem. » (Luc 9,31) Le terme grec utilisé pour parler de ce départ est « exodos », ce même terme qui désigne le passage du peuple hébreu de l’esclavage à la liberté. Ainsi la mort de Jésus est bien plus qu’une fin tragique : elle est un passage vers la liberté, vers la vie nouvelle.
Pierre, dans son enthousiasme veut figer ce moment : « Maître, il est bon que nous soyons ici ! Faisons trois tentes. » (Luc 9,33) Bien souvent, nous-mêmes quand nous vivons un moment de grâce extraordinaire, nous voudrions le retenir, l’enfermer dans nos propres constructions. Il est bon alors d’entendre la voix du Père :« Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le ! » (Luc 9,35) Écoutez-le : voilà le cœur de notre Carême. En effet, il ne s’agit de construire des temps pour nous installer dans le confort spirituel, mais écouter le Christ qui nous parle au cœur.
Cette parole fait écho à la première lecture, où Dieu scelle son alliance avec Abraham. Lorsqu’un « sommeil mystérieux » (Gn 15,12) tombe sur Abraham, Dieu lui parle dans cette obscurité. De même, la nuée qui enveloppe les disciples sur la montagne est à la fois lumineuse et obscure. C’est souvent dans les moments où nous nous sentons désorientés, où la lumière fait défaut, que Dieu se révèle le plus intimement si nous savons l’écouter.
Après cette expérience extraordinaire vécue par les disciples, le texte nous dit simplement : « les disciples gardèrent le silence. » (Luc 9,36) Il y a des expériences spirituelles si profondes qu’elles nous laissent sans mots. Le silence est la seule réponde appropriée. Notre Carême a aussi besoin de ces moments de silence contemplatif, où nous laissons résonner en nous la Parole entendue.
Mais ensuite, comme Jésus et les disciples, il nous faut redescendre de la montagne et retourner dans la plaine du quotidien. La gloire entrevue ne nous dispense pas de l’engagement dans notre vie ordinaire. Au contraire, elle l’éclaire d’une lumière nouvelle.
Saint Paul, dans sa lettre aux Philippiens, nous rappelle que « nous avons notre citoyenneté dans les cieux. »(Philippiens 3,20) La Transfiguration nous donne un avant-goût de cette cité céleste. Elle nous rappelle que notre corps humilié sera transfiguré à l’image du corps glorieux du Christ. Cette espérance doit nous aider à « tenir bon dans le Seigneur. » (Philippiens 4,1) même quand le chemin devient difficile.
En ce temps de Carême, laissons-nous, nous aussi, conduire par Jésus sur la montagne. Dans le secret de notre prière, dans l’écoute de sa Parole, dans le silence de notre cœur, laissons sa lumière transformer notre regard. Et avec ce regard nouveau, revenons à notre quotidien pour y vivre en témoins de l’espérance.
Que cette Eucharistie soit pour nous un moment de transfiguration où nous reconnaissons la présence du Christ qui se donne à nous. Que sa lumière continue de briller en nous lorsque nous retournerons à nos occupations quotidiennes. Amen.

