La question que pose le docteur de la Loi à Jésus traverse les siècles et rejoint nos propres questionnements : « Que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? » (Luc 10,25) La réponse est simple : appliquer la loi, c’est-à-dire tout mettre en œuvre pour aimer Dieu et son prochain !
Comme pour le docteur de la Loi, la question « Qui est mon prochain ? » (Luc 10,29) se pose-t-elle à nous ? Laissons Jésus nous enseigner avec cette belle parabole dite « du bon samaritain ».
Un homme descend de Jérusalem à Jéricho. Cette route, de 27 kilomètres et d’un dénivelé de 1000 mètres, est reconnue pour être dangereuse. C’est une route commerciale mais aussi une route de pèlerinage permettant d’aller à Jérusalem ou d’y revenir. Pour nous, aujourd’hui, n’est-elle l’image de la route de nos vies où nous risquons d’être blessés, dépouillés, laissés pour morts par les épreuves ?
Les serviteurs du Temple : l’obstacle des règles
En plus de l’homme laissé pour mort, les deux premiers protagonistes de la parabole sont un prêtre et un lévite. Tous deux voient l’homme blessé mais détourne leur chemin. Ne les jugeons pas trop vite ! Ils ne sont pas cruels, ils sont pris dans un dilemme. Leur formation religieuse leur interdit de toucher un cadavre sous peine d’impureté. S’ils s’approchent et le touchent, ils seront contaminés et ils ne pourront plus exercer leur ministère au Temple. La loi ou la charité : quel regard va porter la société sur eux ? Quelle place pour la compassion dans l’application de la loi ?
N’est-ce pas là notre propre combat ? Combien de fois nos habitudes, nos peurs, nos convenances nous empêchent-elles d’agir ? Combien de fois passons-nous à côté de la détresse par crainte de nous compromettre, de perdre notre réputation, de bouleverser notre petit confort ?
Le Samaritain : l’amour qui transgresse
Et puis arrive ce Samaritain. Pour les auditeurs de Jésus, c’est un choc ! Un Samaritain, c’est un étranger, un impur, un hérétique. C’est celui dont on ne doit même pas prononcer le nom ! Et voilà que Jésus le propose comme modèle de l’amour !
Cet homme est « saisi de compassion » (Luc 10,33). Ces mots traduisent une émotion qui prend aux entrailles, qui bouleverse tout l’être. Le Samaritain ne réfléchit pas, il ne calcule pas : il aime. Son cœur est plus fort que tous les préjugés.
Et regardez comme il aime ! Il s’approche – première étape de tout amour véritable. Il soigne avec ce qu’il a : l’huile et le vin de son voyage. Il donne son temps, son argent. Il s’engage pour l’avenir. C’est cela, l’amour authentique : il ne se contente pas d’un geste, il en assume les conséquences.
Jésus, le vrai Samaritain
Mais n’y aurait-il pas dans cette parabole un secret plus profond ? Et si ce Samaritain, c’était Jésus lui-même ?
Nous sommes tous cet homme blessé au bord du chemin. Blessés par nos égoïsmes, nos peurs, nos péchés. Blessés par la vie qui nous a parfois malmenés. Laissés pour morts spirituellement.
Jésus est ce bon Samaritain qui descend pour nous rejoindre. Lui aussi, on l’a traité d’impur, d’étranger. Lui aussi a transgressé les conventions pour toucher les lépreux, manger avec les pécheurs. Il est saisi de compassion pour chacun de nous.
Il panse nos blessures avec l’huile de la grâce et le vin de l’Esprit. Il nous charge sur ses épaules – n’est-ce pas là l’image du Bon Pasteur ? Il nous confie à l’Église, cette auberge où nous sommes soignés, nourris, accompagnés.
Notre vocation d’aubergiste
Mais la parabole ne s’arrête pas là. Jésus nous invite aussi à devenir l’aubergiste. À accueillir dans nos communautés, dans nos familles, dans nos cœurs, tous ceux qu’il nous confie.
Qui sont les blessés de notre époque ? Ces migrants qui fuient la guerre, ces personnes âgées isolées, ces jeunes en détresse, ces malades abandonnés, ces exclus de toutes sortes. Tous ceux qui gisent au bord de nos chemins quotidiens.
L’aubergiste de la parabole fait confiance au Samaritain. Il accepte la responsabilité, il soigne, il accompagne. Il entre dans cette logique de gratuité qui caractérise l’amour de Dieu.
L’appel d’aujourd’hui
« Va, et toi aussi, fais de même. » (Luc 10,37) Ces paroles de Jésus nous sont adressées ce matin. Elles transforment cette Eucharistie en envoi, l’Évangile en programme de vie.
Ne demandons plus : « Qui est mon prochain ? » comme si nous voulions limiter notre amour. Demandons-nous plutôt : « Comment puis-je me faire le prochain de ceux qui souffrent ? »
Dans quelques instants, nous allons communier au Corps du Christ. Nous allons recevoir celui qui s’est fait notre Samaritain. Laissons-le transformer notre cœur, élargir notre compassion, nous envoyer sur les routes de notre époque.
« Que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? » (Luc 10,25) Jésus nous le dit : « Fais ainsi et tu vivras. » (Luc 10,28) La vie éternelle commence maintenant : dans chaque geste de compassion, dans chaque main tendue, dans chaque cœur qui s’ouvre à l’amour.
Que Marie, la Mère de la Miséricorde, nous aide à devenir ces samaritains compatissants que le monde attend. Qu’elle nous donne la grâce de voir Jésus dans chaque blessé de la vie. Amen.

