L’Évangile de ce dimanche nous présente une scène très simple, mais d’une belle profondeur. Dix lépreux, dix hommes exclus de la société, crient vers Jésus : « Jésus, maître, prends pitié de nous ! » (Luc 17,13)

La lèpre, à l’époque, c’était la pire des maladies : non seulement elle détruisait le corps, mais elle rejetait celui qui en souffrait en dehors de la communauté. Le lépreux vivait seul, sans contact, sans avenir.

Et pourtant, Jésus s’approche. Il n’a pas peur de leur impureté. Il les envoie se montrer aux prêtres, c’est-à-dire à reprendre le chemin de la vie. En route, ils sont guéris. Tous les dix reçoivent la grâce. Mais un seul revient en arrière.

Et saint Luc précise : c’était un Samaritain. Le samaritain est un étranger, considéré comme impur, hérétique, rejeté par les Juifs. Et c’est lui – lui seul – qui revient vers Jésus, glorifiant Dieu à pleine voix, et se jetant à ses pieds pour lui rendre grâce. Alors Jésus s’étonne : « Les dix n’ont-ils pas été purifiés ? Et les neuf autres, où sont-ils ? » (Luc 17,17)

Voilà la première leçon de ce passage : les neufs ont reçu le don, mais ils ont oublié le donateur. Ils ont reçu la guérison du corps, mais ils sont passés à côté du cœur de la rencontre : le visage du Christ.

Le Samaritain, lui, comprend que ce qu’il a reçu n’est pas seulement un bienfait, mais une visite de Dieu. En revenant rendre grâce, il manifeste qu’il a perçu quelque chose de plus grand que sa guérison : il a reconnu Dieu à l’œuvre.

Cette attitude de gratitude n’est pas un détail. Elle est au cœur de la foi. Car rendre grâce, ce n’est pas simplement dire merci par politesse. C’est reconnaître que tout vient de Dieu. Le cœur reconnaissant devient un cœur croyant. Le Samaritain ne remercie pas seulement pour sa guérison : il adore, il se prosterne. Il fait de sa vie une louange. Et c’est là que Jésus lui dit : « Relève-toi, va : ta foi t’a sauvé. » (Luc 17,19)

Les neuf autres ont été guéris, mais seul celui qui remercie reçoit le salut. La gratitude ouvre à la foi, et la foi ouvre au salut.

La première lecture nous présentait une histoire parallèle : celle de Naaman, le général syrien, lui aussi un étranger, lui aussi guéri d’une lèpre. 

Naaman, au départ, voulait acheter sa guérison. Il pensait qu’il fallait payer, offrir un cadeau, mériter la grâce. Mais il découvre que Dieu agit gratuitement. Et alors, dans la joie, il revient vers le prophète Élisée pour lui dire : « Je ne veux plus offrir ni holocauste ni sacrifice à d’autres dieux qu’au Seigneur Dieu d’Israël. » (2 Rois 5,17) La gratitude l’a conduit à la foi. Il a découvert le vrai Dieu.

Le mot « Eucharistie » signifie justement action de grâce. Chaque dimanche, chaque messe, nous sommes invités à faire le même geste que le Samaritain : revenir vers Jésus, reconnaître ce qu’il a fait pour nous, et lui dire merci. Nous venons, comme lui, déposer nos vies à aux pieds du Seigneur : nos guérisons, nos pardons reçus, nos épreuves traversées, nos joies partagées. Et nous redisons ensemble : « Vraiment, il est juste et bon de te rendre grâce, Seigneur. »

Rendre grâce, ce n’est pas ignorer la souffrance ou les difficultés. C’est dire : malgré tout, je sais que tu es là. C’est croire que la vie est un don, que la grâce de Dieu agit même là où je ne la vois pas.

Frères et sœurs, peut-être que ce dimanche, le Seigneur nous invite à faire comme ce Samaritain : revenir sur nos pas. Revenir sur ce que nous avons vécu, pour y reconnaître les traces de Dieu. Nous sommes souvent prompts à demander, à supplier, à crier notre détresse – et c’est juste. Mais prenons-nous le temps de dire merci ? Merci pour les personnes qui nous aiment, pour la paix retrouvée, pour la foi qui nous soutient, pour la force de chaque jour.

Celui qui dit merci devient libre : libre de la peur, libre de la plainte, libre du repli sur soi. Et comme le Samaritain, il peut entendre Jésus lui dire : « Relève-toi, va : ta foi t’a sauvé. » (Luc 17,19)

Alors, en ce dimanche, prenons un instant de silence pour penser à tout ce que le Seigneur a fait pour nous. Et dans le secret de nos cœurs, disons-lui, simplement, comme le Samaritain : « Seigneur Jésus, merci pour ta miséricorde. Merci pour ta fidélité. Merci pour ton amour qui guérit et qui sauve. » Amen.


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A propos de moi

Prêtre du diocèse d’Amiens, je suis actuellement curé des paroisses Sainte Colette des Trois Vallées (Corbie) et Saint Martin de l’Hallue (Querrieu)