Dimanche dernier, Jésus nous invitait à persévérer dans la prière. Aujourd’hui, il nous enseigne non seulement les mots à dire, mais surtout le cœur à avoir devant Dieu quand nous prions.
Pour cet enseignement, Jésus raconte la parabole du publicain et du pharisien.
À l’époque de Jésus, le pharisien est un laïc religieux qui interprète la loi juive de façon rigoureuse. Il la respecte dans les moindres détails : prière, jeûne, aumône, sabbat. Le publicain, lui, est un Juif qui travaille pour l’occupant romain : chargé de collecter les impôts, il est libre de fixer le taux d’imposition et de se servir au passage.
Chacun de ces hommes se tient devant Dieu pour prier. Mais l’un, nous dit Jésus, repart justifié, et l’autre non. Pourquoi ?
Si la prière du pharisien est une action de grâce — « Mon Dieu, je te rends grâce… » (Luc 18, 11) —, elle n’est pas ajustée à Dieu, car il ne rend grâce que pour lui-même. Il est dans l’autosatisfaction. Sa prière est égocentrique, pleine d’orgueil : « Mon Dieu, je te rends grâce parce que je ne suis pas comme les autres hommes… Je jeûne, je paie la dîme. »Il ne parle que de ses propres mérites. Il se compare, il se contemple lui-même. C’est une prière sans ouverture, sans demande, sans amour.
Le publicain, lui aussi, fait monter vers Dieu une action de grâce : « Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis ! »(Luc 18, 13). Dans son action de grâce, il reconnaît la bonté de Dieu, sa miséricorde, et il attend tout d’elle. C’est une prière de pauvre : pas d’excuses, pas de justification, juste la vérité de son cœur devant Dieu. C’est un cœur rempli d’humilité, et comme le chante la Vierge Marie dans le Magnificat : « Le Seigneur élève les humbles. » (Luc 1, 52)
L’humilité, ce n’est pas dire « Je ne vaux rien », mais reconnaître que tout vient de Dieu. C’est reconnaître la vérité de notre condition de créature : nous recevons tout de Dieu. Nous ne nous sauvons pas nous-mêmes. Le pharisien croit qu’il peut mériter son salut. Il confond la fidélité à la Loi avec une assurance personnelle. Le salut n’est pas une récompense. Il est grâce !
Saint Paul, dans la deuxième lecture, en témoigne : il a « mené le bon combat » (2 Timothée 4, 7), mais c’est le Seigneur qui lui a donné la force, qui l’a « arraché à la gueule du lion » (2 Timothée 4, 17). C’est Dieu qui justifie, et non nos performances.
Ben Sira le Sage nous le rappelle : « La prière du pauvre traverse les nuées » (Siracide 35, 21). Dieu ne regarde ni la façade religieuse, ni le prestige, ni la réussite. Il regarde le cœur. Le pauvre est celui qui se sait dépendant, qui n’a d’autre appui que Dieu. Le publicain, comme Paul, prie à partir de cette pauvreté. C’est cela qui ouvre la porte du Ciel.
Cette parabole du publicain et du pharisien n’oppose pas un « bon » et un « mauvais ». Elle nous parle à tous, car en chacun de nous, il y a un peu de pharisien et un peu de publicain. Notre prière est parfois comme celle du pharisien : sûrs de nos efforts, contents de nous. Et parfois, elle est comme celle du publicain : pauvre, désarmée, simplement confiante.
C’est alors que notre prière devient une prière véritable : quand elle naît de la pauvreté de notre cœur, quand elle s’appuie non pas sur nos mérites, mais sur la miséricorde de Dieu.
Cette prière, nous la faisons au début de chaque messe quand nous disons : « Seigneur, prends pitié. » Par ces mots, nous ouvrons nos cœurs à la présence du Seigneur qui se révèle et se donne en chaque Eucharistie. Et le « Allez dans la paix du Christ ! », qui nous est adressé à la fin de la célébration, est un envoi en mission, mais aussi un « Aujourd’hui encore, tu repars justifié. »
Le Seigneur n’a pas besoin de nos mérites, mais de notre confiance. Comme l’écrit sainte Thérèse de l’Enfant Jésus : « Ce qui plaît au Bon Dieu, c’est de me voir aimer ma petitesse et ma pauvreté, c’est l’espérance aveugle que j’ai en sa miséricorde… Voilà mon seul trésor. » (Lettre 197) Avec elle, nous pouvons redire : « C’est la confiance, rien que la confiance qui doit nous conduire à l’Amour. » (Ibid.) Amen.


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