En cette fête du Christ, Roi de l’Univers, nous pourrions nous attendre à un spectacle de gloire : un roi triomphant sur son trône, entouré d’anges et baigné de lumière céleste. Mais l’Évangile nous confronte à une réalité déconcertante : un roi cloué sur une croix, couronné d’épines, encadré par deux condamnés à mort.
Cette situation nous révèle la véritable nature de la royauté du Christ. Jésus règne du haut de la croix, non par la force mais par l’amour, non en dominant mais en se donnant totalement. Sa royauté ne s’impose pas, elle se propose. Elle ne conquiert pas par les armes, mais par la miséricorde.
Autour de lui, les moqueries fusent. Les chefs du peuple, les soldats, et même l’un des malfaiteurs le défient : « Il en a sauvé d’autres, qu’il se sauve lui-même, s’il est le Messie de Dieu, l’Élu ! » (Luc 23,35) ; « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! » (Luc 23,37) ; «N’es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même, et nous aussi ! » (Luc 23,39) Tous l’invitent à descendre, à s’épargner cette agonie, à prouver sa puissance par un miracle spectaculaire.
Mais Jésus ne descend pas. Il reste là, fidèle jusqu’au bout à sa mission de salut. Car un roi qui ne pense qu’à se sauver lui-même n’est pas un roi, c’est un tyran. Le vrai roi est celui qui donne sa vie pour son peuple qui va jusqu’au bout de l’amour.
Au milieu du chaos des moqueries, une voix s’élève, différente : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. » (Luc 23,42) Cet homme, à l’article de la mort, reconnait ce que tous les autres refusent de voir. Il ne voit pas un imposteur ni un échec, mais un roi. Il se tourne vers Jésus avec une confiance désarmante. Il ne demande pas un miracle, ne négocie aucun marchandage. Il se remet simplement entre les mains de ce roi crucifié.
La réponse de Jésus est immédiate : « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. » (Luc 23,43) Pas demain, pas plus tard, pas après un long temps de purgatoire… mais aujourd’hui. La royauté du Christ est une royauté qui n’impose rien mais qui accueille ; une royauté qui ne condamne pas mais qui relève ; une royauté qui n’écrase pas mais qui sauve.
Aujourd’hui encore, le Christ règne non pas en dominant, mais en se tenant au plus près de nos vies : dans nos croix, nos épreuves, nos blessures ; dans nos doutes, nos fatigues, nos pauvretés. Il est le roi qui se fait proche, qui accompagne, qui console.
Cette fête du Christ Roi, qui clôt l’année liturgique, nous interroge personnellement : qui est vraiment roi dans notre vie ? À qui obéissons-nous du matin au soir ? Qui dicte nos choix, nos priorités, notre emploi du temps ?
Est-ce le Christ qui règne en nous, ou bien la peur du manque, la soif de reconnaissance, le besoin de contrôle, le confort à tout prix ? Sommes-nous comme le bon larron, capables de reconnaître Jésus comme roi même quand cela dérange nos certitudes, même quand cela exige de nous une conversion profonde ?
Reconnaître le Christ comme roi, c’est le laisser transformer notre manière d’aimer, de pardonner, de servir. C’est accepter que sa logique l’emporte sur la nôtre : logique du don plutôt que celle de l’accumulation, logique du pardon plutôt que celle de la vengeance, logique du service plutôt que celle de la domination.
Cette fête nous tourne vers l’avenir. Le Christ qui est mort sur la croix est ressuscité. Il reviendra dans la gloire. Nous sommes en route vers ce Royaume, commencé humblement dans une crèche et manifesté paradoxalement sur une croix. Le Christ nous invite à en être, dès maintenant, les témoins et les artisans.
Alors, avec confiance du bon larron, tournons-nous vers le Christ et disons-lui de tout notre cœur : « Jésus, souviens-toi de moi. » (Luc 23,42). Et écoutons sa réponse qui traverse les siècles et nous rejoint aujourd’hui : « Aujourd’hui, tu seras avec moi. » Non pas demain, ni quand tu seras devenu parfait. Aujourd’hui. Maintenant. Tel que tu es. Amen.


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